vrijdag 2 augustus 2013
vrijdag 21 juni 2013
maandag 7 februari 2011
Beauty nor Beast
Au cours de l’épisode scruté nous rencontrons trois personnages, les protagonistes : Epiphane Otos et l’objet de son affection, Éthel, qui est accompagnée par son copain Xavier. Une comparaison avec l’histoire célèbre de Quasimodo mise au jour par Victor Hugo s’impose immédiatement : Nothomb créa son propre Quasimodo en brossant le personnage d’Epiphane, tandis que le rôle de la tzigane Esmeralda est rempli par Éthel.
Au commencement de l’épisode, l’écrivaine belge décrit comment l’homme le plus laid au monde assiste à la première d’un film dans lequel joue son grand amour Éthel, à ce moment de l’histoire avec un artiste nommé Xavier. Le film en question s’avère être un navet et c’est dans ce fait qu’Amélie Nothomb puise un certain degré d’ironie pour démontrer l’hypocrisie masculine : au début de la scène en question Epiphane Otos refuse d’accepter la nullité du film et créa ses propres valeurs de beauté autour de l’œuvre. A ce titre, le monde d’Epiphane en devient un en noir et blanc. D’un côté nous retrouvons la beauté absolue d’Éthel qui transperce l’écran. Epiphane se sert d’images bibliques en adéquation avec la perfection de son objet d’affection, allant de l’appeler une vierge du peintre Hans Memling jusqu’à lui accorder le statut d’un ange auréolé. La femme est mise sur un piédestal divin grâce à ces comparaisons.
De l’autre côté, nous ne retrouvons absolument rien. La médiocrité du film en question est complètement ignorée et chaque trace qui renvoie à cette nullité est méprisée. Epiphane manifeste une intolérance et même une agressivité envers les choses inclassables sous le dénominateur de beauté parfaite ou laideur odieuse. Dans l’extrait commenté, cette manifestation d’agressivité se dirige vers le public : « La plupart des gens ne contiennent pas ou peu de substance » est sa conclusion. Celle-ci découle de sa théorie selon laquelle il y a pire que la laideur : la normalité. Cette théorie représente en fin de compte la tour d’ivoire de sa vie qui redéfinit les critères de beauté à sa guise, sans tenir compte du reste du monde qui paraît banal à ses yeux. Ces premiers ingrédients ‘nothombiens’ introduisent l’élément satirique: est-ce la société qui fait en sorte que cette théorie affleure en Epiphane ? N’est-ce pas une critique justifiée sur le monde qui craint d’afficher une opinion opposée à celle qu’il aurait dû avoir ? Ceci est un thème récurrent à travers le roman. Amélie Nothomb met en cause le concept d’ « avis » et force le lecteur s’interroger afin de savoir si son avis est le fruit d’une réflexion individuelle ou tout simplement la preuve d’une conformité selon les règles générales de notre société.
Le événement suivant se déroule après la séance. Éthel, Epiphane et Xavier sont assis autour d’une table et discutent du film. Xavier, qui partage l’opinion du public que le film est mauvais, représente le monde de la banalité qu’Epiphane méprise tant. Ce mépris est exprimé à travers un dialogue où notre Quasimodo lui reproche de s’être endormi pendant le film et ainsi de ne pas avoir accordé l’attention que mérite la beauté sublime liée à l’objet sa flamme, Éthel. A nouveau, Epiphane impose ses propres valeurs et théories tordues, à savoir que, même dans la laideur, on doit être capable de discerner la beauté qui mérite la dévotion absolue. Il impose ces valeurs sans tenir compte de l’opinion des autres: « Chacun ses goûts non ? Tu as le droit d’aimer, j’ai le droit de ne pas aimer » « vous n’aviez pas le droit de ne pas regarder ce film ». Ici, Nothomb nous montre un duel métaphorique entre deux chevaliers : on a le provocateur Epiphane qui, malgré sa laideur extérieure défend son amour avec ardeur tout en maintenant un degré d’éloquence envers son adversaire en le vouvoyant. Opposé à Epiphane, on retrouve le personnage de Xavier qui manie un langage assez grossier (« merde », « c’était chiant », « On s’en fout »), mais qui possède, par contre, un physique plus appétissant. La comparaison entre Quasimodo et son concurrent affleure à nouveau, sauf que le Quasimodo d’Amélie Nothomb s’avère être l’agitateur. Les deux ‘chevaliers’ ont des défauts qui surpassent la dualité classique de la beauté et de la laideur. C’est en vertu de ses propres théories insolites qu’Epiphane provoque le chevalier Xavier qui , à son tour, néglige la fille qui l’aime. Amélie Nothomb montre donc l’hypocrisie masculine indépendante du physique. Par contre, le statut de « madone » qu’Éthel possède dans ce récit demeure inchangé. Le contraste « laideur masculine » et « beauté féminine » est encore renforcé.
Le dernier événement qui met le contraste en évidence se passe au téléphone. Lorsqu’Éthel avoue à Epiphane qu’elle n’approuve pas le comportement de son copain et qu’elle veut rompre, notre Quasimodo ressent une joie extrême. Les mots employés ici sont si bien agencés qu’on voit la dualité sans trop y réfléchir: Éthel « pleure » au téléphone et elle parle de la « souffrance » qu’elle devra affronter après une « rupture ». Par contre, Epiphane « bouillit de joie » en entendant son discours, et n’est que lacéré par le fait qu’Éthel avoue qu’elle est amoureuse de Xavier. Les mots reflètent l’hypocrisie masculine : il y a une différence nette entre ce qu’Epiphane dit à Éthel et ce qu’il ressent. Dans cette optique on peut bien dire que Nothomb déclare que la beauté intérieure de l’homme laid est un phénomène surfait et que l’hypocrisie reste une valeur universelle indépendamment du fait qu’on soit beau ou laid.
Amélie Nothomb nous présente assez d’ingrédients propres à son style pour renforcer le contraste entre laideur masculine et beauté féminine : l’arrogance dont notre protagoniste laid fait preuve lorsqu’il formule des théories impitoyables sur la beauté, l’agression qui découle de ces théories et l’hypocrisie cachée dans les paroles au téléphone sont les ingrédients les plus visibles à travers l’histoire et qui ont été mis en valeur dans l’extrait proposé. Le vocabulaire soutenu du principal acteur est un autre ingrédient ‘nothombien’ qui mérite mention : Il renvoie souvent à des thèmes mythologiques et est plus subtile, mais certainement pas moins pertinent. L’auteur donne à son personnage le don de l’éloquence comme l’avait Cyrano de Bergerac, mais la façon dont ses mots sont employés dans notre fragment a une double fonction. D’une part, ces mots servent à souligner la splendeur féminine d’Éthel, mais d’autre part ils renforcent le cynisme du personnage envers tout le monde autre que sa flamme.
Nothomb pose un grand point de interrogation après l’équation « extérieur beau = intérieur laid » et remplace l’idée d’un héros laid au cœur d’or par un personnage cynique qui méprise la réalité et qui mène une sorte de lutte pour la laideur en proclamant des thèses surprenantes comme le fait qu’une personne doit être d’une extrême laideur afin d’apprécier la beauté. Comme Quasimodo ou Cyrano, le héros tombe amoureux d’une vraie beauté, mais la comparaison s’arrête là. Le personnage de Nothomb concrétise ses théories durant toute l’histoire et force le lecteur de se poser la question métaphysique : d’où vient l’équation mentionnée ci-dessus ? Et surtout : Est-ce la laideur qui fait un attentat sur la beauté ou inversement ?
Le rapport de « La Nausée » avec d’autres textes de Sartre : comparaison avec « Le Mur »
Le rapport de « La Nausée » avec d’autres textes de Sartre :
comparaison avec « Le Mur »
L’œuvre « la nausée » fut écrite par Jean-Paul Sartre en 1938, suivie par la parution de « le mur » en 1939. Ces deux ouvrages s’inscrivent sans l’ombre d’un doute dans son manifeste de l’existentialisme. Au cours de cette comparaison, les similarités et différences seront relevées sur 3 plans : les aspects formels, le thème de l’existentialisme et le symbolisme du mur.
Aspects formels
A l’instar de quantité d’autres écrivains existentialistes, Sartre raconte l’histoire de La Nausée et du Mur au travers des yeux du protagoniste. Tant Antoine Roquentin que Pablo sont le narrateur dans leur histoire respective. Une première différence réside dans les moments de narration : la forme du roman, à savoir le journal intime permet au narrateur de se distancier ou de se rapprocher davantage de certains faits. Dès lors, la narration de La Nausée est souvent intercalée (le narrateur raconte au moment de l’action ou de façon rétrospective). Par exemple : «LUNDI – Quatre heures sonnent. Voilà une heure que je suis là, bras ballants sur ma chaise- P.139 ». En l’occurrence, Roquentin raconte l’histoire au moment où l’action se déroule, tandis que quelques lignes plus loin on retrouve un point de vue rétrospectif : « Or, cet après-midi, en feuilletant une vieille collection du Satirique Bouvillois, feuille de chantage dont la propriétaire fut accusé, pendant la guerre, de haute trahison, j’ai entrevu la vérité.- pp.1191»
Le narrateur du mur est en revanche plus limité en ce qui concerne le déroulement des évènements. Le roman entier se raconte de manière rétrospective, mais conserve les dialogues comme s’ils se déroulaient au moment de la narration. Nonobstant cette légère différence, la méthode principale de raconter reste identique par rapport à La Nausée : un flux de conscience du narrateur qui ruisselle dans un délai de temps. Une deuxième différence formelle réside dans l’ambiguïté qu’on rencontre de temps à autre dans La Nausée : l’auteur semble parfois parler en son propre nom. Cette ambiguïté qui est certainement due à l’emploi de la forme du journal intime n’est cependant pas présente dans la narration du mur où le contexte historique, à savoir la guerre-civile d’Espagne, (1936-1939) circonscrit davantage la narration du protagoniste.
Les lieux d’action sont plus divers dans La Nausée que dans Le Mur. La ville imaginaire « Bouville » constitue le principal lieu d’action du récit de Roquentin qui se décline en plusieurs autres lieux parmi lesquels on retrouve le jardin public, un bistro, la bibliothèque, la chambre de Roquentin, etc. Le mur ne dispose que d’un seul lieu d’action : la cave d’un hôpital qui sert de prison pour les personnages. La limitation du lieu d’action, qui est étroitement liée au contexte historique comporte une restriction temporelle: l’histoire se déroule dans un délai d’un jour et d’une nuit, tandis que le récit de Roquentin s’étale sur plusieurs semaines. Comme mentionné ci-dessus ceci limite davantage la narration, surtout par rapport à son pendant La Nausée. Par ailleurs, les deux ouvrages ont respectivement trois personnages récurrents : Roquentin, L’autodidacte et Anny pour La Nausée, et Pablo, Tom et Juan pour ce qui est du Mur.
L’existentialisme
Selon la théorie de Sartre il existe un en-soi et un pour-soi. L’en soi représente tout ce qui est inanimé et relève donc de la réalité en dehors de la conscience. Le pour-soi par contre, désigne l’être conscient qui se distingue de l’en-soi par sa liberté absolue. La conséquence logique serait donc qu’un être humain se distingue de la chose par le fait que la chose « existe » sans rien, et n’est donc pas sujet à des concepts tels que la liberté. C’est notamment ce concept qui est exploité au fil des deux ouvrages présents. Cette liberté, ou plutôt la réalisation que l’on dispose de cette liberté va de pair avec le sentiment d’angoisse qu’éprouvent les deux protagonistes. Par contre, cette angoisse évolue et se manifeste d’une autre façon selon le personnage :
« Il y en avait plusieurs que je connaissais et d’autres qui devaient être étrangers. Les deux qui étaient devant moi étaient blonds avec des crânes ronds, ils se ressemblaient : des Français j’imagine. Le plus petit remontait tout le temps son pantalon : c’était nerveux – pp.1 ».
Ce premier paragraphe du Mur peut être comparé à la première entrée dans le journal intime de Roquentin où il parle d’un sentiment étrange qu’il ne peut pas tout à fait identifier : « le mieux serait d’écrire les évènements au jour le jour. Tenir un journal pour y voir clair...noter soigneusement et dans le plus grand détail tout ce qui se produit. pp.11» Les deux personnages affirment qu’il y a quelque chose hors du normal : l’indicateur dans Le Mur est le remuement constant du pantalon qui dénote la nervosité et éclaircit l’atmosphère de la situation. Dans la Nausée on a affaire à une allusion qu’il y a en effet ‘quelque chose’ qui trouble le narrateur, mais qui n’est pas défini. A mesure que les deux récits évoluent, ce sentiment d’angoisse se pointe de façon plus claire: « j’imaginais leur grêle brulante à travers mon corps. Tout ça c’était en dehors de la véritable question, mais j’étais tranquille : nous avions tout la nuit pour comprendre pp.173». A ce point, Pablo renie ces angoisses : l’existentialisme rejette l’existence d’un être suprême, donc pourquoi afficher de la peur? Cependant, le fait qu’il renie le sentiment de terreur n’empêche pas qu’il soit confronté à ces sentiments: «et puis, brusquement je me réveillai, le rond de lumière s’effaça et je me sentis écrasé sous un poids énorme. Ce n’était pas la pensée de la mort, ni la crainte : c’était anonyme. pp.183». La même chose vaut pour Roquentin qui reconnaît la nausée à plusieurs reprises : «enfin il est certain que j’ai eu peur, ou quelque sentiment de ce genre pp.101». « oui, c’est cela, c’est bien cela : une sorte de nausée dans les mains. pp.201». Finalement, le sentiment d’angoisse est reconnu et résolu. En ce qui concerne Pablo on peut conclure que son attitude posée est déjouée dès qu’il s’aperçoit qu’il transpire dans un climat glacial. Le regard du docteur belge qui accompagne les prisonniers confirme indirectement cette angoisse, car c’est le protagoniste qui suppose que le regard du docteur reflète de l’inquiétude.
Bien que l’angoisse est bel et bien présente, la rationalité l’emporte à plusieurs reprises: « je ne voulais pas de ça, je ne voulais pas mourir comme une bête , je voulais comprendre pp.261». «une seconde, une seule seconde j’eus envie de pleurer moi aussi pp.301 ». On constate dès lors qu’il y a une sorte de réalisation que contempler la réalité évoquera l’angoisse, suivie par une sorte de tentative à rationaliser la mort : «naturellement je ne pouvais pas clairement penser ma mort, mais je la voyais partout, sur les choses, dans la façon dont les choses avaient reculé et se tenaient à distance… pp .283». Pablo essaie en vain de s’imaginer clairement le concept de « ne pas exister », mais de la même façon que pour Roquentin, cette rumination suscite à un moment donné une expérience de désincarnation : « le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé. Mais la pensée, c’est moi qui la continue, qui la déroule1».
La rationalisation continue et Pablo se résigne à son sort, à savoir qu’il va mourir. On retrouve cette résignation transposée à une indifférence vis-à-vis le monde tant chez Roquentin : « A chaque instant je tiens de tout mon cœur : je sais qu’il est unique/irremplaçable, et pourtant je ne ferais pas un geste pour l’empêcher de s’anéantir1 » que chez Pablo même : « aucune vie n’avait de valeur…rien n’avait plus d’importance. pp343».
Ceci nous mène à un autre thème qui abonde dans les deux romans : l’absurdité de l’existence. Cette absurdité découle du cheminement mentionné ci-dessus. En examinant la scène de Roquentin dans le jardin public de plus près, force est de constater que l’absurdité fondamentale du monde se révèle devant lui lorsqu’il observe les souches d’un marronnier : Ce sont les « êtres » qui fournissent aux objets leur signification. Si Roquentin ne donne donc pas de signification à sa vie il risque d’être « de trop », sauf s’il prend des décisions.
Ceci lui donne une liberté, mais c’est exactement cette liberté qui lui donne la nausée: la confrontation avec les objets quotidiens lui rappelle la liaison qu’il entretient avec le monde et donc de sa responsabilité de fournir aux choses leur signification. La révélation de Roquentin consiste donc à réaliser que la vie est absurde car il ne peut pas s’échapper à sa responsabilité envers le monde. Cette absurdité est reprise dans Le Mur : Pablo ne ressent aucune liaison affective à l’égard de Ramon Gris.
Néanmoins, il refuse de trahir ce personnage vu qu’il s’est déjà résigné à la mort. De plus, le symbolisme du cimetière, auquel il envoie les soldats, pourrait être vu comme un lieu dépourvu d’existence. Il est donc un tant soit peu ironique que l’on y trouve un être vivant, à savoir Gris, qui à son tour représente la clef pour la survie de Pablo ». Inconsciemment, Pablo s’est sauvé lui-même, mais l’absurdité réside dans le fait que tout cela s’est passé à son insu. Sartre décrit cette ironie à travers le monologue intérieur de son personnage principal : « ces graves phalangistes avec leurs moustaches et ces hommes en uniforme qui couraient entre les tombes ; c’était d’un comique irrésistible pp.353».
La fin décèle donc l’ultime farce : l’homme qui croyait mourir survit, et l’homme qui devait survivre meurt. Le personnage principal est donc à nouveau confronté à son incapacité de comprendre l’existence.
L’absurdité s’avère d’autant plus réelle que Sartre scelle cette farce en ajoutant la réaction du personnage : « je riais si fort que les larmes me vinrent aux yeux ».
Lorsque l’on juxtapose les deux textes, on constate que les deux protagonistes sont incapables d’échapper à cette situation d’aberration. Il s’ensuit que le ton général dans La Nausée et dans Le Mur est truffé de cynisme : ce ton amer se ressent de temps à autre dans le langage de Roquentin qui recèle son mépris à l’égard d’autrui: « Un monsieur et une dame en deuil contemplaient respectueusement ces objets cuits ». Dès lors, Roquentin remplace le mot « céramique » par sa définition dans le but de ridiculiser et de railler le concept d’un « musée ».
Les pensées de Pablo démontrent également ce ton ironique lorsqu’il se met à relativiser et presque à se moquer de l’intersubjectivité entre lui et un autre séquestré : « j’avais vécu aux côtés de Tom, je l’avais écouté, je lui avais parlé, et je savais que nous n’avions rien de commun. Et maintenant nous nous ressemblions comme des frères jumeaux, simplement parce que nous allions crever ensemble ». En outre, l’adverbe « simplement » dénote une fois de plus l’indifférence à l’égard de la mort.
Le symbolisme du « mur »
L’image du mur fait surface dans chacun des ouvrages, et remplit une fonction comparable. Lorsque Roquentin mentionne les murs dans La Nausée, il renvoie presque automatiquement à la délimitation spatiale qu’implique un mur :
« La souffrance est consciente entre les longs murs qui s’en vont, et qui ne reviendront jamais. »
« Il reste des murs anonymes, une conscience anonyme. Voici ce qu’il y a : des murs et entre les murs, une petite transparence vivante et impersonnelle. »
« Lucide, immobile, déserte, la conscience est posée entre les murs ; elle se perpétue ». 1
Les murs deviennent dès lors une sorte de prison pour la conscience, et Roquentin est à nouveau incapable de regarder au –delà de l’existence, mais cette fois-ci, cette limitation se présente sous forme d’un mur mental qu’il ne peut pas ‘enjamber’.
A l’inverse, le mur auquel renvoie le titre du deuxième ouvrage se trouve concrètement dans la fiction : le mur de fusillade. Ce mur symbolise la mort, car il est pour tous ceux qui se trouvent devant, une destination finale, voire fatale. Etant donné que Pablo n’est pas capable de s’imaginer la continuation de son existence, il est , au même titre que Roquentin, incapable de s’imaginer la vie, qui se trouve au-delà du mur. Il est limité au front du mur, tout ce qui se trouve derrière est inconcevable.
Il est clair que Le Mur et la Nausée recèlent une kyrielle de caractéristiques semblables qui s’inscrivent dans la tradition de l’existentialisme, à laquelle adhérait Sartre. L’angoisse face à l’existence, le cynisme voire l’indifférence qui en découlent et le symbolisme du mur démontrent la présence de la théorie existentialiste. Bien que les deux ouvrages diffèrent bel et bien l’un de l’autre, la trame générale qui relève de la pensée de Descartes « je pense donc je suis » reste identique : Il s’agit de deux personnages sujets à une force existentielle qui les dépasse et à laquelle ils sont incapables de s’échapper. La différence se trouve dès lors surtout au niveau du résultat final qui naît sous différentes formes de contingences: Pablo survit, tandis que Roquentin déménage à Paris. De plus, la question qui demeure sans réponse et avec laquelle Sartre fait valser ses personnages est identique pour les deux cas : « pourquoi ? »
Bibliographie :
GOLDTHORPE R., Sartre: Literature and Theory, Cambridge University Press 1984
SARTRE, Jean-Paul, La Nausée, Éditions livre de poche Gallimard 1938
SARTRE, Jean-Paul Sartre, Le Mur, Éditions Gallimard, Collection Folio, 1939
maandag 17 januari 2011
zaterdag 16 januari 2010
l’apprenant et le marché des langues étrangères
l’enseignement /apprentissage du français et de l’anglais en Flandre : situation, problèmes et perspectives.
Lorsque l’on ouvre le journal à la page des offres d’emploi on constate aussitôt que ces annonces ont un point particulier en commun, à savoir l’exigence de langues. Le rapport annuel de la VDAB démontre une kyrielle de plans d’action en cours de route et pléthore de mesures prises pour différents secteurs sur le plan de langue. A titre d’exemple on pourrait mentionner que selon les statistiques de la VDAB 2008[1], l’aéroport de Zaventem offrait 5400 emplois requérant la connaissance de plusieurs langues, comparé à 8370 emplois qui visaient plutôt des monolingues. Nonobstant le caractère anecdotique de cet exemple, une conclusion jaillit de ces données : le multilinguisme en Belgique est un atout fort profitable dans la recherche d’un emploi. En offrant aux écoliers belges la possibilité d’étudier plusieurs langues étrangères, parmi lesquelles les trois langues officielles du royaume, l’enseignement belge n’ignore certainement pas ce fameux atout. Néanmoins, une langue n’est pas une autre, et c’est en vertu de ce lieu commun qu’on aborde ici le thème du français face à l’anglais en Flandre. Au cours de ce rapport je tâcherai d’apporter des précisions sur quelques notions de base qui nous permettront de mieux comprendre la situation des deux langues dans leur contexte institutionnel. Pour ce faire je me baserai non seulement sur les deux lectures de Boogaards et Housen-Janssens-Pierrard, mais également sur les lectures principales des rapports de réflexions. Ensuite, je juxtaposerai deux études menées dans ce cadre en mettant en exergue les modèles utilisés, la méthodologie employée, les conclusions principales et les problèmes que l’on a rencontrés lors de ces études. Finalement, je mentionnerai quelques perspectives offertes par les deux lectures de base en question.
Dans un premier temps, le titre de ce rapport mérite quelques éclaircissements : l’enseignement et l’apprentissage sont deux termes qui ont été séparés uniquement par une petite barre oblique. Néanmoins, la différence entre les deux est beaucoup plus grande que cet espacement laisse soupçonner. Le terme enseignement dénote un contexte d’école et renvoie dès lors à l’activité exercée par l’enseignant. L’apprentissage par contre est l’activité développée par l’apprenant et suggère un processus explicite et conscient. Face à ce processus explicite se trouve un processus implicite qu’on appelle l’acquisition d’une langue : un processus largement inconscient. Rappelons que les positions à propos du rapport entre ces types de connaissance sont plutôt divisées.[2] Certains adhèrent à la position de non-interface, qui prétend que l’apprentissage n’influe aucunement sur l’acquisition d’une langue, tandis que d’autres experts estiment que la connaissance explicite peut se convertir en connaissance implicite à travers la pratique. La monitor theory de Krashen[3] oppose nettement le terme acquisition et apprentissage. Selon cette théorie, l’apprentissage serait utile pour nourrir ce qu’on appelle le « monitor », une instance de contrôle qui peut exercer une certaine influence sur tout ce qui provient de la connaissance acquise du locuteur. De cette façon, le locuteur peut se rendre compte d’erreurs par la présence du feedback de son « monitor ». Il faut cependant mentionner que cette théorie a été sujette à beaucoup de critiques qui font remarquer que certaines recherches n’ont pas pu constater de différences dans l’emploi du monitor entre les apprenants qui avaient une connaissance explicite des règles et ceux qui ne savaient pas les formuler.
Ensuite, les termes « langue étrangère » et « langue seconde » doivent être distingués l’un de l’autre.[4] On parle d’une langue seconde lorsque le processus d’apprentissage se déroule dans des circonstances où on est exposé à un input de langue en dehors de l’enseignement (en côtoyant des locuteurs natifs de la langue en question par exemple). Le terme de langue étrangère est par contre utilisé pour renvoyer à un apprentissage où ce genre de contact manque. Deux niveaux, à savoir le niveau curriculaire et le niveau extracurriculaire sont également mis en jeu dans l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école. Il est dès lors important de saisir que le niveau curriculaire, renvoie à tout ce qui se passe au niveau de la classe et le niveau extracurriculaire renvoie tant à l’école même qu’à la société.[5] Boogards opère la même distinction classée sous contexte scolaire et contexte social pour caractériser la situation d’apprentissage. Par ailleurs, l’ouvrage de Porquier/Py apprentissage d’une langue étrangère emploie les termes « contexte » et « situation » pour désigner le cadre socio-institutionnel (l’enseignement secondaire, institution etc.) et le contenu des leçons et des méthodes (par exemple : le thème « faire connaissance » en primaire)[6]. Ici, la notion de situation mérite quelques éclaircissements : on note que la notion de situation a évolué d’une conception minimale qui relève du contexte extralinguistique, à une conception élargie. L’importance de ces situations réside dans le fait qu’elles projettent de façon plus ou moins directe les contextes auxquels l’apprenant de la langue étrangère en question pourrait faire face ultérieurement. Je me permet de citer/traduire un paragraphe du plan didactique en premier degré du réseau GO[7] : « afin de parvenir à une communication réelle, le matériel didactique s’inscrira dans le monde de l’apprenant (la maison, les amis, l’école, les loisirs, services, voyager…). Ce matériel sera employé de façon fonctionnelle : elle correspond aux besoins communicatifs que l’apprenant pourrait éprouver ultérieurement ».
Par conséquent, les situations introduites en classe doivent être prises en compte tant pour l’enseignement du français que pour l’enseignement de l’anglais comme langues étrangères. Selon Porquier/Py, l’enseignement/apprentissage des langues étrangères comprend donc deux plans de contextes et situation : dans le contexte institutionnel, on a d’une part la situation institutionnelle (la classe, non-spécifique de l’apprentissage de langues) et d’autre part les situations introduites de l’extérieur : dialogues du manuel, actes de parole, etc6. Ces deux points représentent donc le premier niveau que Houssen-Janssens-Pierrard appelle le niveau curriculaire. Le deuxième niveau de Py correspond à tout autre contexte qui favorise le contact avec la langue cible, et s’étend sur un espace beaucoup plus étendu que le moment d’apprentissage en classe. On parle donc par exemple du contexte social et/ou professionnel où l’on entre en contact avec la langue étrangère.
Un premier problème relevé dans l’étude de Houssen-Janssen-Pierrard est la difficulté de cerner le statut de l’anglais et du français dans la vie publique en Flandre. D’une part on est confronté au fait que l’anglais n’est pas une langue officielle en Belgique, mais jouit d’une image nettement plus internationale que le français[8]. A l’inverse le français bénéficie d’un statut officiel, mais n’est pas aussi « populaire » que l’anglais. Il devient par conséquent difficile de coller une étiquette sur le statut des deux langues, d’autant plus que les statuts pourraient différer à l’intérieur de la Belgique même. En vertu de ma propre expérience professionnelle en tant que professeur d’anglais à Bruxelles, j’oserais dire que les rôles dans certaines écoles bruxelloises sont à l’inverse. Le statut des deux langues dans l’enseignement est plus clair : le français est première langue étrangère dans le curriculum scolaire flamand, tandis que l’anglais est seconde langue étrangère. Certes, la place accordée aux deux langues se mesure en nombre d’heures, mais il ne serait peut-être pas superflu de mentionner le paragraphe suivant du plan didactique d’anglais : « Parmi les langues modernes, le français et l’anglais s’avèrent être les outils d’expression par excellence, sur lesquels la majorité des jeunes s’appuie lorsque leur langue maternelle ne suffit pas. »[9]. Force est de constater que le français est mentionné dans le plan didactique de l’anglais, tout comme dans le plan didactique du français, ce qui confirme que les deux langues jouissent d’un statut comparable au niveau de l’enseignement.
A l’évidence, de différentes études ont été menées dans le but de fournir des données empiriques au contexte d’apprentissage/enseignement de langues étrangères. Je me limiterai à comparer deux études spécifiques que l’on retrouve dans Boogaards et Houssen-Janssens-Pierrard, sans pour autant perdre vue des problèmes que l’on a rencontrés lors des recherches. Ainsi, la partie suivante du rapport mélange la section descriptive et la section qui porte sur la problématique de ce thème. £
La première recherche mise en évidence est une étude comparative qui juxtapose l’anglais et le français dans des écoles en Flandre dans le but d’évaluer leur efficacité. Ainsi, cette étude vise à fournir des orientations pour la didactique des deux langues en les décrivant parallèlement. Pour ce faire, un groupe cible d’environ 130 élèves et leurs enseignants a été sélectionné dans cinq écoles différentes, appartenant au même réseau d’enseignement, dans différentes régions de la Flandre.
Les modèle de l’étude comparative de Housen-Janssens-Pierrard se base sur trois ensembles majeures, à savoir : les facteurs intentionnels et pédagogiques qui déterminent l’enseignement d’une langue étrangère (le curriculum, manuel, pratiques en classe…)., les facteurs socio-psychologiques qui relèvent des attitudes et des motivation des apprenants/enseignants envers la langue dont il s’agit et finalement les facteurs linguistiques qui démontrent les compétences et les connaissances langagières atteintes par les apprenants dans la langue cible. Les objectifs de cette étude sont donc bien clairs, on veut répondre aux questions qui découlent de ces trois facteurs : Quel est le contexte institutionnel/pédagogique qui détermine le processus d’enseignement/apprentissage du français et de l’anglais ? Quelles sont les attitudes/motivation des apprenants/enseignants vis-à-vis les deux langues ? Quel est le niveau de performance langagière atteint en français et en anglais ?[10]
Les conclusions à propos de chaque facteur fournit bel et bien des éclaircissements : à propos du contexte curriculaire et pédagogique on peut constater que l’enseignement du français commence plus tôt que celui de l’anglais. De plus, le nombre d’heures consacrées au français est plus élevé par rapport au nombre consacré à l’anglais ce qui se traduit par un input du français (en contexte scolaire) plus important. Cependant, les socles de compétences à la fin de enseignement secondaire des deux langues sont identiques, mais cette équivalence vaut aussi sur d’autres plans : « de eindtermen voor Frans en Nederlands zijn identiek wat de receptieve vaardigheiden betreft, het ligt dan ook voor de hand dat de leerplannen terzake analoge richtlijnen geven9”. Un premier problème qui pourrait être discerné de cette constatation paradoxale est le suivant: comment est-il possible que l’on maintient les mêmes socles pour les deux langues tandis que le nombre d’heures consacrées diffère d’une langue à l’autre ? Afin de répondre à cette question, Houssen-Janssens-Pierrard renvoie à l’administration de l’enseignement qui à son tour renvoie explicitement aux facteurs de type extracurriculaire tels que le statut de la langue en tant que langue populaire des jeunes et la proximité typologique entre l’anglais et le néerlandais, qui compenseraient pour la différence quantitative de l’anglais. Une question qui fait surface est évidemment : que faut-il faire quand les facteurs de type extracurriculaire ne sont pas, ou dans une moindre mesure présents ? Rappelons que le plan didactique pour l’enseignement néerlandophone communal à Bruxelles est bien identique en comparaison du plan didactique de l’enseignement néerlandophone communal en Flandre, mais le statut des langues, comme mentionné ci-dessus ne l’est pas : l’input de la langue française à Bruxelles est supérieur à celui de l’anglais, alors comment exiger les mêmes compétences finales ? Force est de constater que divers auteurs prônent la flexibilité de l’enseignant : selon Boogaards l’intervention de l’enseignant se définit en terme de négociation et d’ajustement : « on n’est bon professeur que par rapport à des apprenants déterminés et dans une situation donnée »[11]. Porquier & Py estiment que dans le cas d’acquisition en milieu social, il faut tenir compte des dimensions socioculturelles et psycho-sociales qui ne sont pas a priori préétablis6. Ces dimensions sont étroitement liées aux paramètres langagiers. Il s’ensuit que le paramètre d’apprenant doit bel et bien être pris en considération, et la situation bruxelloise en est une preuve.
Pour ce qui est des manuels FLE (français langue étrangère) et ALE (anglais langue étrangère), la recherche aboutit à la conclusion que les contenus des manuels FLE paraissent mieux adaptés aux exigences des programmes. En outre, l’enseignement du FLE s’oriente vers des méthodes réalisées par et pour des flamands, tandis que l’enseignement ALE opte pour une méthode internationale. On a donc affaire a deux stratégies différentes. Finalement, la pratique didactique ne révèle aucune différence pour les cours de FLE et ALE. [12]
Afin de mesurer l’impact des facteurs socio-psychologiques[13], deux questionnaires parallèles pour le français et l’anglais ont été fournis aux étudiants, comprenant une série de questions à propos de leur attitude envers les langues étrangères, les cours de français et anglais, leur motivation et leur autoévaluation. Trente-quatre questions ont été posées aux enseignants au cours d’interviews portant sur l’attitude envers leur propre branche, leur méthode d’enseigner et le matériel didactique et finalement leur attitude envers les élèves. Kail[14] lui aussi fait mention de certains facteurs externes qui influent le processus d’apprentissages parmi lesquels on retrouve également la motivation et les attitudes de l’apprenant. Boogaards consacre également de l’attention au sujet de l’attitude/motivation.
Les conclusions de l’étude comparative révèlent que l’attitude et la motivation globales des élèves sont plus positives envers l’anglais. Ici, il est également possible de relever un « problème », à savoir la hétérogénéité des résultats qui affleure. L’impact du poids de l’enseignant et du milieu scolaire est avancé comme explication possible en ce qui concerne le français. Pour l’anglais par contre cette hétérogénéité est neutralisée par son double rôle : cette langue est à la fois une langue étrangère et une langue de la culture de jeunesse. Ceci peut être expliqué en évoquant deux termes que l’on retrouve dans la théorie de Gardner et Lambert[15]. D’une part on a la motivation intégrative et d’autre part on retrouve la motivation instrumentale. Les deux termes se distinguent l’un de l’autre par le fait que l’aspect instrumental fait surface lorsque l’apprenant souhaite en apprendre davantage sur l’autre communauté culturelle. La motivation est dite instrumentale quand l’apprenant a intérêt d’apprendre cette langue en raison de sa valeur utilitaire. En l’occurrence, on pourrait bel et bien conclure que l’anglais l’emporte sur les deux plans. Boogaards mentionne que la motivation intégrative mènerait aux meilleurs résultats dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Force est de constater que Houssen-Janssens-Pierrard évoque le statut de l’anglais en tant que langue culturelle à maintes reprises, donc il me semble que ce facteur est pertinent sinon décisif au niveau des résultats par rapport au français. En outre, cela expliquerait les différentes attitudes d’un élève bruxellois envers l’anglais, ainsi établissant à mon humble avis une relation causale.
Pour terminer ce deuxième facteur on note également que l’attitude des professeurs de français et d’anglais envers leur tâche d’enseignement, leurs cours et leurs élèves s’avère très similaire. Le dernier facteur « performances langagières » consiste en une comparaison entre les aspects de la compréhension orale et écrite, la production orale et écrite et les compétences métalinguistiques.[16] Pour l’évaluation des performances langagières on n’a pas pu avoir recours aux tests existants car ces tests ne sont pas adaptés au public cible et à la nature comparative de l’étude. De plus, ces tests actuels ne distinguent pas les diverses compétences sur lesquelles l’enseignement même se base. Les conclusions s’inscrivent dans les constatations précédentes : les résultats sont en faveur de l’anglais, qui affiche de meilleurs résultats statistiques pour chaque compétence. Deux réservations s’imposent : d’abord il faut remarquer que l’on retrouve des cas particuliers d’une performance supérieure en français, surtout au niveau du test écrit où les élèves ont été demandé d’écrire une lettre formelle, et au niveau du test oral, plus spécifique, quand la variété langagière qui domine en classe est utilisée. Ceci démontre que l’activation des compétences qui sont étroitement liées au curriculum français obtiennent de meilleurs résultats. Une deuxième glose évoque une fois de plus l’hétérogénéité par rapport au français, mentionnée ci-dessus. Cette hétérogénéité est également absente en ce qui concerne l’anglais, et de nouveau on renvoie à l’input extracurriculaire et à l’analogie typologique entre l’anglais et le néerlandais.
Une deuxième recherche est celle que l’on retrouve dans l’ouvrage de Boogards. Elle rend notamment compte de l’interdépendance entre les facteurs « enseignant », « apprenant » et « situation. », sans pour autant comparer les résultats entre langue A et langue B. Néanmoins il est pertinent de comparer les facteurs mis en jeu par Boogaards avec ceux de Houssen-Janssens-Pierrard, dans le but de montrer une deuxième perspective, notamment sur les facteurs qui pourrait influer sur l’apprentissage d’une langue étrangère. L’annexe 3 nous montre une représentation informelle des relations causales entre les différents facteurs utilisés dans le modèle de Boogaards (figure 3.1), ainsi que un résumé des variables dans l’expérience (tableau 3.2). Force est de constater que ces facteurs diffèrent plutôt de ceux avancés dans la recherche de Houssen-Janssens-Pierrard. Les facteurs d’intelligence, de personnalité, de sexe, de milieu linguistique et des connaissances antérieures en autres langues on été explorés davantage. Les deux expériences rendent néanmoins compte de l’importance des facteurs langagières : Boogaards mesure la compréhension orale, la connaissance de grammaire, et l’expression écrite. Une question qui s’impose automatiquement est pourquoi Boogaards ne met pas en jeu la compréhension écrite et la production orale. Une réponse plausible serait que l’expérience de Boogaards se base sur un échantillonnage différent, à savoir 95 élèves dans un établissement scolaire situé dans la banlieue d’une des grandes villes de l’ouest de Pays-Bas, constituant 4 classes d’élèves âgés d’environ 12 ans. On a donc affaire à une expérience menée à échelle plus petite par rapport à l’échantillonnage de Houssens-Janssens-Pierrard. Les conclusions qui découlent de cette deuxième expérience peuvent être formulées en 5 points. Tout d’abord Boogaards conclue que l’intelligence ne joue pas nécessairement un rôle important dans l’apprentissage d’une langue étrangère, pourvu que les prévisions de l’enseignant ne défavorisent pas les élèves moins intelligents. L’attitude qui a été définie comme le plaisir qu’on prend à l’apprentissage [17]influe fortement sur les résultats. Elle dépend des prévisions de l’enseignant sur les apprenants, et de leur attitude initiale. Renvoyons au statut de l’anglais comme langue plus « populaire » : pourrait-on , sur la base des deux études mentionnées, en conclure qu’il existe en effet une liaison directe entre le statut et les résultats ?
Nouvelle composante introduite par Boogaards est le sexe[18] des apprenants. Selon les résultats de son expérience les apprenants féminins prennent plus de plaisir à l’apprentissage des langues étrangères que les apprenants masculins. Si on suit le schéma qui représente les relations causales, cela devrait se traduire en de meilleurs résultats sur le plan de la compréhension orale, de la grammaire et de l’expression écrite. Boogaards termine ses conclusions par les connaissances antérieures de la langue : celles-ci se font -selon lui- surtout valoir quand les tâches à accomplir ont un caractère communicatif plutôt que grammatical. A l’instar de l’étude comparative, cette deuxième étude met en exergue quelques problèmes auxquels on est confrontés lors de la recherche dans le domaine de l’apprentissage d’une langue étrangère. Un premier problème se situe au niveau des facteurs qui influeraient sur l’apprentissage : ceux-ci ne sont pas encore définis de façon claire et précise. Ensuite, le niveau d’analyse qu’impose l’étude des situations concrètes s’avère limité. Le chercheur ne dispose pas de moyens adéquats pour décrire des mécanismes tels que les processus cognitifs lorsqu’il observe par exemple une classe de langue. Ainsi, il n’est toujours pas capable d’étudier ce qui lui intéresse en pratique. Le dernier point ‘chaud’ a trait aux moyens techniques qui sont à la disposition du chercheur. Ces techniques, qui consistent surtout en calculs de corrélations et quelques analyses de données, sont incapables de fournir des réponses bien claires et surtout étayées qui s’imposent dans les situations d’apprentissage authentiques. Ainsi, l’hétérogénéité qui affleure de temps à autre dans l’étude comparative de Houssen-Janssens-Pierrard dépend d’un modèle surtout descriptif et exploratoire.
Les perspectives avancées dans les deux études méritent certainement attention, car c’est en vertu de celles-ci que les problèmes avancées pourraient être travaillés. Je subdiviserais ces perspectives en deux catégories : les perspectives en ce qui concerne la méthodologie, proposées par Boogaards, et les perspectives relatives à l’écart entre le français et l’anglais avancées par l’étude comparative. Les résultats de cette étude comparative confirment ou nuancent certaines idées reçues. On constate par exemple que le niveau obtenu correspond globalement pour les deux langues au niveau avancé sur l’échelle des compétences du Conseil de l’Europe, ce qui est contraire à l’idée que la qualité de l’enseignement des langues étrangères serait en baisse. De plus, Ces résultats ne corroborent aucunement l’idée que les cours d’anglais seraient plus communicatifs. A l’inverse, on pourrait bien dire que l’opinion que les attitudes des élèves vis-à-vis l’anglais seraient plus positives qu’envers le français, se ressent dans les résultats, tout comme la rumeur publique que les résultats des élèves seraient supérieurs à ceux du français. Ce dernier point mérite quelques éclaircissements : la différence s’avère moins nette pour les emplois langagiers plus formels et plus abstraits.
Quoi qu’il en soit, Houssen-Janssens-Pierrard propose deux options envisageables afin qu’on puisse creuser l’écart entre le FLE et l’ALE : l’extension et l’optimalisation de l’apport curriculaire ou de l’apport extracurriculaire en français pour les élèves flamands. Ce premier apport peut être renforcé soit sur le plan qualitatif (développement de nouvelles stratégies didactiques), soit sur le plan quantitatif (augmenter le nombre d’heures). L’apport extracurriculaire pourrait à son tour être favorisé sur trois plans, à savoir au niveau du cours de français (ex. : encourager l’effort personnel des élèves, favoriser un enseignement plus orienté sur la tâche, se débarrasser de l’image scolaire et traditionnelle du cours de FLE), au niveau de l’école (ex. :stimuler des attitudes positives des élèves envers le FLE, activités culturelles etc.), et au niveau des autorités institutionnelles (ex. : mise en évidence du prestige du français par le gouvernement). Cependant je tiens à souligner que le cours de langue étrangère est (comme le confirment d’ailleurs Boogaards et Houssen-Janssens-Pierrard) étroitement lié à son contexte social. De nouveau, je souhaite mettre en avance l’exemple du contexte bruxellois où l’apport extracurriculaire/curriculaire est à envisager pour me néerlandais, et non pas pour le français. Un exemple pertinent d’une mesure adoptée par la majorité des écoles bruxelloises du réseau communal néerlandophone, est l’interdiction de parler le français en dehors des cours de FLE, en faveur du néerlandais[19] Il va de soi, que malgré les bonnes intentions de cette mesure, cette interdiction laisse beaucoup à désirer : comment contrôler les élèves sur la cour de récréation où tout le monde parle la langue qu’il ou elle veut ?
Les perspectives par rapport à la méthodologie naissent sous forme de conseils de la part de Boogaards. Il préconise une approche intégrée qui consiste à mélanger l’étude des facteurs isolés avec l’examen de situations authentiques. Ensuite, il conseille de puiser des données dans d’autres domaines que celui de la statistique. Ainsi, le domaine des sciences sociales aurait une sensibilité aux question épistémologiques mieux développées qu’en didactique de langue. Bref, il faut aller à la recherche d’instruments plus sophistiqués.
Il est donc plus que clair que les recherches à propos des statuts de certaines langues étrangères et leur apprentissage relèvent d’une kyrielle de facteurs décrits par plusieurs auteurs. Certes, les problèmes rencontrés lors des deux recherches que je viens de décrire indiquent le besoin de mieux circonscrire ces facteurs et d’améliorer la méthodologie. Néanmoins une affirmation sur laquelle un consensus semble être atteint, c’est que l’adaptation est primordiale dans l’enseignement. « concreet betekent dit dat de leerkracht bij het voorbereiden van z’n lessen het beheersen van de vaardigheden zal relativeren en accentueren in functie van de reeële waarde voor z’n leerlingen ».
Cet extrait du plan didactique, vaut non seulement pour la Flandre, mais également pour n’importe quel contexte d’appropriation guidée, ce qui motive d’ailleurs mes références au contexte bruxellois. Pour ce qui est de l’anglais face au français en Flandre, la situation actuelle semble « souffrir » en quelque sorte des idées reçues, ce qui influe sur les statuts des deux langues, qui sont – comme indiqué - déjà assez difficiles à définir. L’étude comparative de Houssen-Janssens-Pierrard semble donc être une bonne première initiative pour mieux circonscrire les deux langues en contexte d’enseignement. A terme, les perspectives proposées pourraient bel et bien favoriser les plans didactiques formulés par chaque réseau d’enseignement.
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Bibliographie
HENDRIX, Liesbeth (2002), l’impact du monde d’implémentation de l’enseignement grammatical sur l’appropriation des compétences langagières en langue seconde.
BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères
HOUSEN, A., JANSSENS, S., PIERRARD, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre.
KAIL, M., FAYOL,M. & BERNICOT,J., 2000, l’acquisition du langage II
PORQUIER,R. & PY, B. (2005): apprentissage d’une langue étrangère: contextes & discours
[1] Voir annexe 1: Extraits rapport VDAB 2008
[2] HENDRIX, Liesbeth (2002), l’impact du monde d’implémentation de l’enseignement grammatical sur l’appropriation des compétences langagières en langue seconde. Chapitre 2 pp.46-54
[3] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 22
[4] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 30
[5] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.3
[6] PORQUIER,R. & PY, B. (2005): apprentissage d’une langue étrangère: contextes & discours: pp.50-53
[7] Annexe 2: plan didactique GO: leerplan eerste graad ASO 97022
[8] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.4
[9] Annexe 2: plan didactique GO: leerplan eerste graad ASO 97022 pp.2
[10] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.12
[11] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 103
[12] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.18-19
[13] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. chapitre 4
[14] KAIL, M., FAYOL,M. & BERNICOT,J., 2000, l’acquisition du langage II, pp.235
[15] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 53
[16] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. chapitre 5
[17] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 147-159
[18] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 81
[19] Annexe 4: 4.1“leefregels KA Emanuel Hiel” et 4.2. ”Leefregels KA Etterbeek”
zondag 29 november 2009
Dimension psycholinguistique de l’acquisition d’une L2 – processus d’acquisition d’une L2 et rôle de la L1
Le concept de base « appropriation » peut être illustré en s’appuyant sur l’exemple d’un élève néerlandophone qui peut se servir uniquement du passé composé pour relater des évènements situés dans le passé.
Au fil des leçons, le thème de l’imparfait sera introduit en classe, et à ce propos les termes « assimilation » et « accommodation » affleurent : dans un premier temps, la différence entre l’imparfait et le passé composé est expliquée. Les règles générales qui expliquent l’usage et la morphologie de l’imparfait constituent donc les données à saisir. Ensuite, afin de faciliter l’assimilation de ce principe, un exercice écrit est proposé aux étudiants, qui appliquent la règle spécifique sur l’emploi du passé composé et de l’imparfait. L’intégration de ces nouvelles données est désormais mise en œuvre. Finalement, par le biais de ce qu’on appelle le processus d’assimilation/accommodation, le principe de l’imparfait est adapté à la connaissance antérieure qui se réduisait jusque là au passé composé pour construire des énoncés au passé. Un dialogue improvisé, présenté devant la classe une semaine plus tard, indique que les deux temps du passé sont parfois employés à tort et à travers et que certaines phrases contiennent des constructions amalgamées telles que « il faisait beau et grand-mère a fait la vaisselle, quand tout à coup un voleur est entré ». l L’interlangue des élèves s’est bel et bien développée grâce à l’apport des nouvelles données (à savoir : les règles de l’imparfait), or cette interlangue se trouve dans un état de déséquilibre transitoire qu’on peut considérer comme un palier de développement . Le terme constructivisme est alors employé pour nommer ce cheminement qui peut être travaillé sur deux niveaux, à savoir, le niveau de la saisie et le niveau du traitement.
Ce constructivisme est étroitement lié au concept de « fautes ». Selon Levelt une faute s’explique par la façon dont nous gérons les opérations morphologiques dans la production en temps limité et par le décalage entre le rythme d’élaboration interne du discours et le rythme de production de celui-ci. Par conséquent, un élève qui vient d’apprendre une nouvelle opération morphologique telle que l’imparfait, fera moins de fautes à mesure que cette opération devient plus automatisée, libérant ainsi plus de capacité cognitive.
Il est intéressant de constater que l’on cite un ensemble pédagogique qui intègre les principes et les pratiques découlant de cette dimension psycholinguistique. Néanmoins, la deuxième règle du jeu pour l’enseignant/apprenant « choisissez, en accord avec les apprenants, les activités qui correspondent le mieux à vos possibilités/désirs/besoins » semble un tant soit peu plus complexe en pratique. La situation à Bruxelles, et plus particulièrement à Schaarbeek, est la parfaite illustration d’étudiants chacun possédant son propre arrière-plan ethnique et donc sa propre L1. Il est donc certainement raisonnable de supposer que les besoins des élèves francophones, vis-à-vis de l’apprentissage du français dans une école néerlandophone, diffère beaucoup des élèves qui ont comme langue maternelle le turc, l’espagnol ou encore le néerlandais. La méthode contrastive devient dès lors plus difficile à appliquer : comment se référer à la L1 d’un group si hétérogène ?
Une faute telle que « have he enough books » qui est– selon Richards - une décalque de l’inversion typique pour le français : « a-t-il assez de livres », ne sera commise que par la partie de la classe qui a le français comme L1 ou L2 et devient par conséquent moins pertinente pour les élèves turcs qui commettront plutôt la faute « books has he enough », en référence à la syntaxe de leur L1. En outre, cette analyse risque de favoriser l’interférence en insistant sur les similitudes entre les deux langues ou leurs différences.
La soi-disant fossilisation /pidginisation est un terme particulièrement intéressant si on applique ce phénomène au niveau individuel. Il peut facilement s’inscrire dans le contexte bruxellois axé sur l’enseignement néerlandophone où la fossilisation du néerlandais est phénomène courant lorsque l’élève termine ses études. Un élève qui parle le turc comme L1 et le français comme L2, perd souvent l’utilité du néerlandais pour deux raisons :
A) La personne n’a pas besoin de cette langue pour communiquer avec son environnement.
B) La personne se référera automatiquement au français comme langue culturelle. (cinéma, émissions télévisées etc.)
L’ancien élève a perdu une grande partie de l’impulsion d’apprendre et ne dispose en outre plus de suffisamment de données potentiellement traitables. Force est donc de constater que deux facteurs externes, à savoir la motivation et l’attitude vis-à-vis de la L2 peuvent favoriser la fossilisation au sein d’une communauté.
Pour ce qui est de la pidginisation, celle-ci se ressent notamment dans le langage quotidien des jeunes ; la phrase typique “cousin aksam napion mec” qui signifie « cousin dis-moi, que fais-tu ce soir mec » est le résultat de l’environnement français qui déteint sur la génération turque à Bruxelles et démontre une forme rudimentaire de la pidginisation. On retrouve également des traces du néerlandais dans ce stade infantile de pidginisation : « Meneer, ik heb daarnet zitten trichen en mijn hart deed düm tek tek ». Il est clair que le verbe « trichen » est dérivé du verbe français « tricher » tandis que le groupe de mots « düm tek tek » est une onomatopée turque représentant le « battement du cœur ».
Etant donné le caractère hétérogène de l’enseignement institutionnel néerlandophone à Bruxelles, on pourrait conclure que la méthode contrastive semble moins appropriée pour la situation bruxelloise, où on retrouve déjà des traces indéniables de fossilisation et même de pidginisation. De plus, recourir à la langue française dans le but d’éclaircir certains points communs avec une autre langue risque de susciter l’effet contraire, vu que l’hétérogénéité du groupe implique des niveaux de français (en tant que L1 ou L2) différents. BESSE Henri, PORQUIER Rémy (1984), Grammaire et didactique des langues
GAONAC’H Daniel (1991, 2003), Théories d’apprentissage et acquisition d’une langue étrangère
PERDUE Clive & GAONAC’H Daniel (2000), Acquisition des langues secondes
maandag 6 juli 2009
and so the lamb sheds its skin?
« Passé un certain âge, lire détourne trop l’esprit de ses activités créatrices. Un homme qui lit trop et qui fait trop peu d’efforts cérébraux prend vite des habitudes de paresse d’esprit. »
[A. EINSTEIN (1879-1955)]
La littérature, et donc inévitablement la lecture, est une monolithe d’activité intellectuelle selon une kyrielle d’auteurs. Voltaire affirmait que c’est par le livre qu’on a fait progresser la société et Jean Cocteau était d’avis qu’un bon livre est celui qui amène le lecteur à se poser des questions. L’opinion du physicien renommé Einstein s’oppose clairement à ces idées : d’après lui, le livre abrutit la masse.
Afin de bien comprendre la position d’Einstein, il faut remettre cette affirmation dans son contexte: durant la première moitié du 20e siècle, l’avancée fulgurante des découvertes scientifiques et technologiques va favoriser la diffusion des œuvres imprimées. C’est dans ces conditions que naissent le « livre de poche » et le « best-seller » qui accentuent l’idée « d’objet jetable » : grâce à son prix modique, la littérature devient un loisir accessible à tous ! On assiste alors à la naissance du roman de colportage, de l’édition populaire et du roman « de gare » qui nous permet de nous évader au lieu de nous plonger dans une activité intellectuelle intense. De nos jours, ce phénomène est encore d’actualité, pensons à la prolifération de magazines peoples ou de romans érotiques.
Mais la littérature peut revêtir d’autres fonctions encore : pensons au Califat de Cordoba au Moyen-Âge où les moines de l’époque traduisaient les œuvres de l’Antiquité pour les envahisseurs arabes, le but étant la préservation de leur culture occidentale. Ainsi on introduisait la pensée grecque qui à son tour se mélangeait avec la culture orientale et constituait le fondement de la civilisation moderne. La littérature a donc fait progresser la société. Les recherches d’Einstein, se sont d’ailleurs forcément basées sur la littérature scientifique. De plus, les théories de base de la science ‘newtonienne’, qui ont été largement diffusées grâce à la transmission écrite, font actuellement partie de la formation de base des scientifiques.
Il est vrai que lorsque l’on fait sa scolarité jusqu’à un certain âge, la lecture pourrait être considérée comme une activité créatrice. L’enseignement primaire fait souvent usage de récits simples tels que les contes de fées qui servent de base pour l’enrichissement de vocabulaire des écoliers. La lecture d’un roman comme devoir dans l’enseignement secondaire mène souvent à une dissertation qu’il faut ensuite présenter devant la classe, ce qui permet aux étudiants d’améliorer leur vocabulaire et de se forger une opinion. Mais lorsque l’on cesse d’être étudiant, la littérature cesse-t-elle de nous servir d’outil qui mène à la réflexion et surtout à la création? Un contre-argument pour le critère d’âge que le célèbre physicien avance dans sa citation, pourrait être que la littérature nous permet de développer nos connaissances, dans des domaines plus spécialisés où notre formation s’avère insuffisante. La littérature devient alors un moyen de se cultiver.
Il est donc clair que la citation d’Einstein s’inscrit spécifiquement dans son contexte historique. Néanmoins il faut tenir compte du fait que la lecture se décline de différentes manières: on peut bien entendu lire pour se détendre et ainsi éviter des efforts cérébraux trop exigeants, mais il est également possible de lire dans le but de se cultiver. Par ailleurs, le livre a amplement contribué à la formation de la civilisation. Chacun décide donc pour soi de l’utilité qu’il accorde à cette activité.