zaterdag 16 januari 2010

l’apprenant et le marché des langues étrangères


l’enseignement /apprentissage du français et de l’anglais en Flandre : situation, problèmes et perspectives.


Lorsque l’on ouvre le journal à la page des offres d’emploi on constate aussitôt que ces annonces ont un point particulier en commun, à savoir l’exigence de langues. Le rapport annuel de la VDAB démontre une kyrielle de plans d’action en cours de route et pléthore de mesures prises pour différents secteurs sur le plan de langue. A titre d’exemple on pourrait mentionner que selon les statistiques de la VDAB 2008[1], l’aéroport de Zaventem offrait 5400 emplois requérant la connaissance de plusieurs langues, comparé à 8370 emplois qui visaient plutôt des monolingues. Nonobstant le caractère anecdotique de cet exemple, une conclusion jaillit de ces données : le multilinguisme en Belgique est un atout fort profitable dans la recherche d’un emploi. En offrant aux écoliers belges la possibilité d’étudier plusieurs langues étrangères, parmi lesquelles les trois langues officielles du royaume, l’enseignement belge n’ignore certainement pas ce fameux atout. Néanmoins, une langue n’est pas une autre, et c’est en vertu de ce lieu commun qu’on aborde ici le thème du français face à l’anglais en Flandre. Au cours de ce rapport je tâcherai d’apporter des précisions sur quelques notions de base qui nous permettront de mieux comprendre la situation des deux langues dans leur contexte institutionnel. Pour ce faire je me baserai non seulement sur les deux lectures de Boogaards et Housen-Janssens-Pierrard, mais également sur les lectures principales des rapports de réflexions. Ensuite, je juxtaposerai deux études menées dans ce cadre en mettant en exergue les modèles utilisés, la méthodologie employée, les conclusions principales et les problèmes que l’on a rencontrés lors de ces études. Finalement, je mentionnerai quelques perspectives offertes par les deux lectures de base en question.

Dans un premier temps, le titre de ce rapport mérite quelques éclaircissements : l’enseignement et l’apprentissage sont deux termes qui ont été séparés uniquement par une petite barre oblique. Néanmoins, la différence entre les deux est beaucoup plus grande que cet espacement laisse soupçonner. Le terme enseignement dénote un contexte d’école et renvoie dès lors à l’activité exercée par l’enseignant. L’apprentissage par contre est l’activité développée par l’apprenant et suggère un processus explicite et conscient. Face à ce processus explicite se trouve un processus implicite qu’on appelle l’acquisition d’une langue : un processus largement inconscient. Rappelons que les positions à propos du rapport entre ces types de connaissance sont plutôt divisées.[2] Certains adhèrent à la position de non-interface, qui prétend que l’apprentissage n’influe aucunement sur l’acquisition d’une langue, tandis que d’autres experts estiment que la connaissance explicite peut se convertir en connaissance implicite à travers la pratique. La monitor theory de Krashen[3] oppose nettement le terme acquisition et apprentissage. Selon cette théorie, l’apprentissage serait utile pour nourrir ce qu’on appelle le « monitor », une instance de contrôle qui peut exercer une certaine influence sur tout ce qui provient de la connaissance acquise du locuteur. De cette façon, le locuteur peut se rendre compte d’erreurs par la présence du feedback de son « monitor ». Il faut cependant mentionner que cette théorie a été sujette à beaucoup de critiques qui font remarquer que certaines recherches n’ont pas pu constater de différences dans l’emploi du monitor entre les apprenants qui avaient une connaissance explicite des règles et ceux qui ne savaient pas les formuler.
Ensuite, les termes « langue étrangère » et « langue seconde » doivent être distingués l’un de l’autre.[4] On parle d’une langue seconde lorsque le processus d’apprentissage se déroule dans des circonstances où on est exposé à un input de langue en dehors de l’enseignement (en côtoyant des locuteurs natifs de la langue en question par exemple). Le terme de langue étrangère est par contre utilisé pour renvoyer à un apprentissage où ce genre de contact manque. Deux niveaux, à savoir le niveau curriculaire et le niveau extracurriculaire sont également mis en jeu dans l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école. Il est dès lors important de saisir que le niveau curriculaire, renvoie à tout ce qui se passe au niveau de la classe et le niveau extracurriculaire renvoie tant à l’école même qu’à la société.[5] Boogards opère la même distinction classée sous contexte scolaire et contexte social pour caractériser la situation d’apprentissage. Par ailleurs, l’ouvrage de Porquier/Py apprentissage d’une langue étrangère emploie les termes « contexte » et « situation » pour désigner le cadre socio-institutionnel (l’enseignement secondaire, institution etc.) et le contenu des leçons et des méthodes (par exemple : le thème « faire connaissance » en primaire)[6]. Ici, la notion de situation mérite quelques éclaircissements : on note que la notion de situation a évolué d’une conception minimale qui relève du contexte extralinguistique, à une conception élargie. L’importance de ces situations réside dans le fait qu’elles projettent de façon plus ou moins directe les contextes auxquels l’apprenant de la langue étrangère en question pourrait faire face ultérieurement. Je me permet de citer/traduire un paragraphe du plan didactique en premier degré du réseau GO[7] : « afin de parvenir à une communication réelle, le matériel didactique s’inscrira dans le monde de l’apprenant (la maison, les amis, l’école, les loisirs, services, voyager…). Ce matériel sera employé de façon fonctionnelle : elle correspond aux besoins communicatifs que l’apprenant pourrait éprouver ultérieurement ».
Par conséquent, les situations introduites en classe doivent être prises en compte tant pour l’enseignement du français que pour l’enseignement de l’anglais comme langues étrangères. Selon Porquier/Py, l’enseignement/apprentissage des langues étrangères comprend donc deux plans de contextes et situation : dans le contexte institutionnel, on a d’une part la situation institutionnelle (la classe, non-spécifique de l’apprentissage de langues) et d’autre part les situations introduites de l’extérieur : dialogues du manuel, actes de parole, etc6. Ces deux points représentent donc le premier niveau que Houssen-Janssens-Pierrard appelle le niveau curriculaire. Le deuxième niveau de Py correspond à tout autre contexte qui favorise le contact avec la langue cible, et s’étend sur un espace beaucoup plus étendu que le moment d’apprentissage en classe. On parle donc par exemple du contexte social et/ou professionnel où l’on entre en contact avec la langue étrangère.

Un premier problème relevé dans l’étude de Houssen-Janssen-Pierrard est la difficulté de cerner le statut de l’anglais et du français dans la vie publique en Flandre. D’une part on est confronté au fait que l’anglais n’est pas une langue officielle en Belgique, mais jouit d’une image nettement plus internationale que le français[8]. A l’inverse le français bénéficie d’un statut officiel, mais n’est pas aussi « populaire » que l’anglais. Il devient par conséquent difficile de coller une étiquette sur le statut des deux langues, d’autant plus que les statuts pourraient différer à l’intérieur de la Belgique même. En vertu de ma propre expérience professionnelle en tant que professeur d’anglais à Bruxelles, j’oserais dire que les rôles dans certaines écoles bruxelloises sont à l’inverse. Le statut des deux langues dans l’enseignement est plus clair : le français est première langue étrangère dans le curriculum scolaire flamand, tandis que l’anglais est seconde langue étrangère. Certes, la place accordée aux deux langues se mesure en nombre d’heures, mais il ne serait peut-être pas superflu de mentionner le paragraphe suivant du plan didactique d’anglais : « Parmi les langues modernes, le français et l’anglais s’avèrent être les outils d’expression par excellence, sur lesquels la majorité des jeunes s’appuie lorsque leur langue maternelle ne suffit pas. »[9]. Force est de constater que le français est mentionné dans le plan didactique de l’anglais, tout comme dans le plan didactique du français, ce qui confirme que les deux langues jouissent d’un statut comparable au niveau de l’enseignement.
A l’évidence, de différentes études ont été menées dans le but de fournir des données empiriques au contexte d’apprentissage/enseignement de langues étrangères. Je me limiterai à comparer deux études spécifiques que l’on retrouve dans Boogaards et Houssen-Janssens-Pierrard, sans pour autant perdre vue des problèmes que l’on a rencontrés lors des recherches. Ainsi, la partie suivante du rapport mélange la section descriptive et la section qui porte sur la problématique de ce thème. £
La première recherche mise en évidence est une étude comparative qui juxtapose l’anglais et le français dans des écoles en Flandre dans le but d’évaluer leur efficacité. Ainsi, cette étude vise à fournir des orientations pour la didactique des deux langues en les décrivant parallèlement. Pour ce faire, un groupe cible d’environ 130 élèves et leurs enseignants a été sélectionné dans cinq écoles différentes, appartenant au même réseau d’enseignement, dans différentes régions de la Flandre.
Les modèle de l’étude comparative de Housen-Janssens-Pierrard se base sur trois ensembles majeures, à savoir : les facteurs intentionnels et pédagogiques qui déterminent l’enseignement d’une langue étrangère (le curriculum, manuel, pratiques en classe…)., les facteurs socio-psychologiques qui relèvent des attitudes et des motivation des apprenants/enseignants envers la langue dont il s’agit et finalement les facteurs linguistiques qui démontrent les compétences et les connaissances langagières atteintes par les apprenants dans la langue cible. Les objectifs de cette étude sont donc bien clairs, on veut répondre aux questions qui découlent de ces trois facteurs : Quel est le contexte institutionnel/pédagogique qui détermine le processus d’enseignement/apprentissage du français et de l’anglais ? Quelles sont les attitudes/motivation des apprenants/enseignants vis-à-vis les deux langues ? Quel est le niveau de performance langagière atteint en français et en anglais ?[10]
Les conclusions à propos de chaque facteur fournit bel et bien des éclaircissements : à propos du contexte curriculaire et pédagogique on peut constater que l’enseignement du français commence plus tôt que celui de l’anglais. De plus, le nombre d’heures consacrées au français est plus élevé par rapport au nombre consacré à l’anglais ce qui se traduit par un input du français (en contexte scolaire) plus important. Cependant, les socles de compétences à la fin de enseignement secondaire des deux langues sont identiques, mais cette équivalence vaut aussi sur d’autres plans : « de eindtermen voor Frans en Nederlands zijn identiek wat de receptieve vaardigheiden betreft, het ligt dan ook voor de hand dat de leerplannen terzake analoge richtlijnen geven9”. Un premier problème qui pourrait être discerné de cette constatation paradoxale est le suivant: comment est-il possible que l’on maintient les mêmes socles pour les deux langues tandis que le nombre d’heures consacrées diffère d’une langue à l’autre ? Afin de répondre à cette question, Houssen-Janssens-Pierrard renvoie à l’administration de l’enseignement qui à son tour renvoie explicitement aux facteurs de type extracurriculaire tels que le statut de la langue en tant que langue populaire des jeunes et la proximité typologique entre l’anglais et le néerlandais, qui compenseraient pour la différence quantitative de l’anglais. Une question qui fait surface est évidemment : que faut-il faire quand les facteurs de type extracurriculaire ne sont pas, ou dans une moindre mesure présents ? Rappelons que le plan didactique pour l’enseignement néerlandophone communal à Bruxelles est bien identique en comparaison du plan didactique de l’enseignement néerlandophone communal en Flandre, mais le statut des langues, comme mentionné ci-dessus ne l’est pas : l’input de la langue française à Bruxelles est supérieur à celui de l’anglais, alors comment exiger les mêmes compétences finales ? Force est de constater que divers auteurs prônent la flexibilité de l’enseignant : selon Boogaards l’intervention de l’enseignant se définit en terme de négociation et d’ajustement : « on n’est bon professeur que par rapport à des apprenants déterminés et dans une situation donnée »[11]. Porquier & Py estiment que dans le cas d’acquisition en milieu social, il faut tenir compte des dimensions socioculturelles et psycho-sociales qui ne sont pas a priori préétablis6. Ces dimensions sont étroitement liées aux paramètres langagiers. Il s’ensuit que le paramètre d’apprenant doit bel et bien être pris en considération, et la situation bruxelloise en est une preuve.
Pour ce qui est des manuels FLE (français langue étrangère) et ALE (anglais langue étrangère), la recherche aboutit à la conclusion que les contenus des manuels FLE paraissent mieux adaptés aux exigences des programmes. En outre, l’enseignement du FLE s’oriente vers des méthodes réalisées par et pour des flamands, tandis que l’enseignement ALE opte pour une méthode internationale. On a donc affaire a deux stratégies différentes. Finalement, la pratique didactique ne révèle aucune différence pour les cours de FLE et ALE. [12]
Afin de mesurer l’impact des facteurs socio-psychologiques[13], deux questionnaires parallèles pour le français et l’anglais ont été fournis aux étudiants, comprenant une série de questions à propos de leur attitude envers les langues étrangères, les cours de français et anglais, leur motivation et leur autoévaluation. Trente-quatre questions ont été posées aux enseignants au cours d’interviews portant sur l’attitude envers leur propre branche, leur méthode d’enseigner et le matériel didactique et finalement leur attitude envers les élèves. Kail[14] lui aussi fait mention de certains facteurs externes qui influent le processus d’apprentissages parmi lesquels on retrouve également la motivation et les attitudes de l’apprenant. Boogaards consacre également de l’attention au sujet de l’attitude/motivation.
Les conclusions de l’étude comparative révèlent que l’attitude et la motivation globales des élèves sont plus positives envers l’anglais. Ici, il est également possible de relever un « problème », à savoir la hétérogénéité des résultats qui affleure. L’impact du poids de l’enseignant et du milieu scolaire est avancé comme explication possible en ce qui concerne le français. Pour l’anglais par contre cette hétérogénéité est neutralisée par son double rôle : cette langue est à la fois une langue étrangère et une langue de la culture de jeunesse. Ceci peut être expliqué en évoquant deux termes que l’on retrouve dans la théorie de Gardner et Lambert[15]. D’une part on a la motivation intégrative et d’autre part on retrouve la motivation instrumentale. Les deux termes se distinguent l’un de l’autre par le fait que l’aspect instrumental fait surface lorsque l’apprenant souhaite en apprendre davantage sur l’autre communauté culturelle. La motivation est dite instrumentale quand l’apprenant a intérêt d’apprendre cette langue en raison de sa valeur utilitaire. En l’occurrence, on pourrait bel et bien conclure que l’anglais l’emporte sur les deux plans. Boogaards mentionne que la motivation intégrative mènerait aux meilleurs résultats dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Force est de constater que Houssen-Janssens-Pierrard évoque le statut de l’anglais en tant que langue culturelle à maintes reprises, donc il me semble que ce facteur est pertinent sinon décisif au niveau des résultats par rapport au français. En outre, cela expliquerait les différentes attitudes d’un élève bruxellois envers l’anglais, ainsi établissant à mon humble avis une relation causale.
Pour terminer ce deuxième facteur on note également que l’attitude des professeurs de français et d’anglais envers leur tâche d’enseignement, leurs cours et leurs élèves s’avère très similaire. Le dernier facteur « performances langagières » consiste en une comparaison entre les aspects de la compréhension orale et écrite, la production orale et écrite et les compétences métalinguistiques.[16] Pour l’évaluation des performances langagières on n’a pas pu avoir recours aux tests existants car ces tests ne sont pas adaptés au public cible et à la nature comparative de l’étude. De plus, ces tests actuels ne distinguent pas les diverses compétences sur lesquelles l’enseignement même se base. Les conclusions s’inscrivent dans les constatations précédentes : les résultats sont en faveur de l’anglais, qui affiche de meilleurs résultats statistiques pour chaque compétence. Deux réservations s’imposent : d’abord il faut remarquer que l’on retrouve des cas particuliers d’une performance supérieure en français, surtout au niveau du test écrit où les élèves ont été demandé d’écrire une lettre formelle, et au niveau du test oral, plus spécifique, quand la variété langagière qui domine en classe est utilisée. Ceci démontre que l’activation des compétences qui sont étroitement liées au curriculum français obtiennent de meilleurs résultats. Une deuxième glose évoque une fois de plus l’hétérogénéité par rapport au français, mentionnée ci-dessus. Cette hétérogénéité est également absente en ce qui concerne l’anglais, et de nouveau on renvoie à l’input extracurriculaire et à l’analogie typologique entre l’anglais et le néerlandais.
Une deuxième recherche est celle que l’on retrouve dans l’ouvrage de Boogards. Elle rend notamment compte de l’interdépendance entre les facteurs « enseignant », « apprenant » et « situation. », sans pour autant comparer les résultats entre langue A et langue B. Néanmoins il est pertinent de comparer les facteurs mis en jeu par Boogaards avec ceux de Houssen-Janssens-Pierrard, dans le but de montrer une deuxième perspective, notamment sur les facteurs qui pourrait influer sur l’apprentissage d’une langue étrangère. L’annexe 3 nous montre une représentation informelle des relations causales entre les différents facteurs utilisés dans le modèle de Boogaards (figure 3.1), ainsi que un résumé des variables dans l’expérience (tableau 3.2). Force est de constater que ces facteurs diffèrent plutôt de ceux avancés dans la recherche de Houssen-Janssens-Pierrard. Les facteurs d’intelligence, de personnalité, de sexe, de milieu linguistique et des connaissances antérieures en autres langues on été explorés davantage. Les deux expériences rendent néanmoins compte de l’importance des facteurs langagières : Boogaards mesure la compréhension orale, la connaissance de grammaire, et l’expression écrite. Une question qui s’impose automatiquement est pourquoi Boogaards ne met pas en jeu la compréhension écrite et la production orale. Une réponse plausible serait que l’expérience de Boogaards se base sur un échantillonnage différent, à savoir 95 élèves dans un établissement scolaire situé dans la banlieue d’une des grandes villes de l’ouest de Pays-Bas, constituant 4 classes d’élèves âgés d’environ 12 ans. On a donc affaire à une expérience menée à échelle plus petite par rapport à l’échantillonnage de Houssens-Janssens-Pierrard. Les conclusions qui découlent de cette deuxième expérience peuvent être formulées en 5 points. Tout d’abord Boogaards conclue que l’intelligence ne joue pas nécessairement un rôle important dans l’apprentissage d’une langue étrangère, pourvu que les prévisions de l’enseignant ne défavorisent pas les élèves moins intelligents. L’attitude qui a été définie comme le plaisir qu’on prend à l’apprentissage [17]influe fortement sur les résultats. Elle dépend des prévisions de l’enseignant sur les apprenants, et de leur attitude initiale. Renvoyons au statut de l’anglais comme langue plus « populaire » : pourrait-on , sur la base des deux études mentionnées, en conclure qu’il existe en effet une liaison directe entre le statut et les résultats ?

Nouvelle composante introduite par Boogaards est le sexe[18] des apprenants. Selon les résultats de son expérience les apprenants féminins prennent plus de plaisir à l’apprentissage des langues étrangères que les apprenants masculins. Si on suit le schéma qui représente les relations causales, cela devrait se traduire en de meilleurs résultats sur le plan de la compréhension orale, de la grammaire et de l’expression écrite. Boogaards termine ses conclusions par les connaissances antérieures de la langue : celles-ci se font -selon lui- surtout valoir quand les tâches à accomplir ont un caractère communicatif plutôt que grammatical. A l’instar de l’étude comparative, cette deuxième étude met en exergue quelques problèmes auxquels on est confrontés lors de la recherche dans le domaine de l’apprentissage d’une langue étrangère. Un premier problème se situe au niveau des facteurs qui influeraient sur l’apprentissage : ceux-ci ne sont pas encore définis de façon claire et précise. Ensuite, le niveau d’analyse qu’impose l’étude des situations concrètes s’avère limité. Le chercheur ne dispose pas de moyens adéquats pour décrire des mécanismes tels que les processus cognitifs lorsqu’il observe par exemple une classe de langue. Ainsi, il n’est toujours pas capable d’étudier ce qui lui intéresse en pratique. Le dernier point ‘chaud’ a trait aux moyens techniques qui sont à la disposition du chercheur. Ces techniques, qui consistent surtout en calculs de corrélations et quelques analyses de données, sont incapables de fournir des réponses bien claires et surtout étayées qui s’imposent dans les situations d’apprentissage authentiques. Ainsi, l’hétérogénéité qui affleure de temps à autre dans l’étude comparative de Houssen-Janssens-Pierrard dépend d’un modèle surtout descriptif et exploratoire.
Les perspectives avancées dans les deux études méritent certainement attention, car c’est en vertu de celles-ci que les problèmes avancées pourraient être travaillés. Je subdiviserais ces perspectives en deux catégories : les perspectives en ce qui concerne la méthodologie, proposées par Boogaards, et les perspectives relatives à l’écart entre le français et l’anglais avancées par l’étude comparative. Les résultats de cette étude comparative confirment ou nuancent certaines idées reçues. On constate par exemple que le niveau obtenu correspond globalement pour les deux langues au niveau avancé sur l’échelle des compétences du Conseil de l’Europe, ce qui est contraire à l’idée que la qualité de l’enseignement des langues étrangères serait en baisse. De plus, Ces résultats ne corroborent aucunement l’idée que les cours d’anglais seraient plus communicatifs. A l’inverse, on pourrait bien dire que l’opinion que les attitudes des élèves vis-à-vis l’anglais seraient plus positives qu’envers le français, se ressent dans les résultats, tout comme la rumeur publique que les résultats des élèves seraient supérieurs à ceux du français. Ce dernier point mérite quelques éclaircissements : la différence s’avère moins nette pour les emplois langagiers plus formels et plus abstraits.
Quoi qu’il en soit, Houssen-Janssens-Pierrard propose deux options envisageables afin qu’on puisse creuser l’écart entre le FLE et l’ALE : l’extension et l’optimalisation de l’apport curriculaire ou de l’apport extracurriculaire en français pour les élèves flamands. Ce premier apport peut être renforcé soit sur le plan qualitatif (développement de nouvelles stratégies didactiques), soit sur le plan quantitatif (augmenter le nombre d’heures). L’apport extracurriculaire pourrait à son tour être favorisé sur trois plans, à savoir au niveau du cours de français (ex. : encourager l’effort personnel des élèves, favoriser un enseignement plus orienté sur la tâche, se débarrasser de l’image scolaire et traditionnelle du cours de FLE), au niveau de l’école (ex. :stimuler des attitudes positives des élèves envers le FLE, activités culturelles etc.), et au niveau des autorités institutionnelles (ex. : mise en évidence du prestige du français par le gouvernement). Cependant je tiens à souligner que le cours de langue étrangère est (comme le confirment d’ailleurs Boogaards et Houssen-Janssens-Pierrard) étroitement lié à son contexte social. De nouveau, je souhaite mettre en avance l’exemple du contexte bruxellois où l’apport extracurriculaire/curriculaire est à envisager pour me néerlandais, et non pas pour le français. Un exemple pertinent d’une mesure adoptée par la majorité des écoles bruxelloises du réseau communal néerlandophone, est l’interdiction de parler le français en dehors des cours de FLE, en faveur du néerlandais[19] Il va de soi, que malgré les bonnes intentions de cette mesure, cette interdiction laisse beaucoup à désirer : comment contrôler les élèves sur la cour de récréation où tout le monde parle la langue qu’il ou elle veut ?
Les perspectives par rapport à la méthodologie naissent sous forme de conseils de la part de Boogaards. Il préconise une approche intégrée qui consiste à mélanger l’étude des facteurs isolés avec l’examen de situations authentiques. Ensuite, il conseille de puiser des données dans d’autres domaines que celui de la statistique. Ainsi, le domaine des sciences sociales aurait une sensibilité aux question épistémologiques mieux développées qu’en didactique de langue. Bref, il faut aller à la recherche d’instruments plus sophistiqués.

Il est donc plus que clair que les recherches à propos des statuts de certaines langues étrangères et leur apprentissage relèvent d’une kyrielle de facteurs décrits par plusieurs auteurs. Certes, les problèmes rencontrés lors des deux recherches que je viens de décrire indiquent le besoin de mieux circonscrire ces facteurs et d’améliorer la méthodologie. Néanmoins une affirmation sur laquelle un consensus semble être atteint, c’est que l’adaptation est primordiale dans l’enseignement. « concreet betekent dit dat de leerkracht bij het voorbereiden van z’n lessen het beheersen van de vaardigheden zal relativeren en accentueren in functie van de reeële waarde voor z’n leerlingen ».
Cet extrait du plan didactique, vaut non seulement pour la Flandre, mais également pour n’importe quel contexte d’appropriation guidée, ce qui motive d’ailleurs mes références au contexte bruxellois. Pour ce qui est de l’anglais face au français en Flandre, la situation actuelle semble « souffrir » en quelque sorte des idées reçues, ce qui influe sur les statuts des deux langues, qui sont – comme indiqué - déjà assez difficiles à définir. L’étude comparative de Houssen-Janssens-Pierrard semble donc être une bonne première initiative pour mieux circonscrire les deux langues en contexte d’enseignement. A terme, les perspectives proposées pourraient bel et bien favoriser les plans didactiques formulés par chaque réseau d’enseignement.

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Bibliographie

HENDRIX, Liesbeth (2002), l’impact du monde d’implémentation de l’enseignement grammatical sur l’appropriation des compétences langagières en langue seconde.

BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères

HOUSEN, A., JANSSENS, S., PIERRARD, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre.

KAIL, M., FAYOL,M. & BERNICOT,J., 2000, l’acquisition du langage II

PORQUIER,R. & PY, B. (2005): apprentissage d’une langue étrangère: contextes & discours



[1] Voir annexe 1: Extraits rapport VDAB 2008

[2] HENDRIX, Liesbeth (2002), l’impact du monde d’implémentation de l’enseignement grammatical sur l’appropriation des compétences langagières en langue seconde. Chapitre 2 pp.46-54

[3] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 22

[4] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 30

[5] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.3

[6] PORQUIER,R. & PY, B. (2005): apprentissage d’une langue étrangère: contextes & discours: pp.50-53

[7] Annexe 2: plan didactique GO: leerplan eerste graad ASO 97022

[8] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.4

[9] Annexe 2: plan didactique GO: leerplan eerste graad ASO 97022 pp.2

[10] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.12

[11] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 103

[12] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. pp.18-19

[13] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. chapitre 4

[14] KAIL, M., FAYOL,M. & BERNICOT,J., 2000, l’acquisition du langage II, pp.235

[15] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 53

[16] Housen, A., Janssens, S., Pierrard, M., 2003, le français face à l’anglais dans les écoles secondaires en Flandre. chapitre 5

[17] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 147-159

[18] BOOGAARDS,P.,1993, Aptitude et affectivité dans l’apprentissage des langues étrangères, pp. 81

[19] Annexe 4: 4.1“leefregels KA Emanuel Hiel” et 4.2. ”Leefregels KA Etterbeek”