zondag 29 november 2009

Dimension psycholinguistique de l’acquisition d’une L2 – processus d’acquisition d’une L2 et rôle de la L1

Afin d’éclaircir certaines notions de base expliquées à travers les ouvrages cités ci-dessus, je mettrai en exergue ma propre expérience professionnelle en tant que professeur à Schaarbeek, dans le but de fournir quelques exemples pertinents qui aideront à mettre la théorie proposée à l’épreuve.
Le concept de base « appropriation » peut être illustré en s’appuyant sur l’exemple d’un élève néerlandophone qui peut se servir uniquement du passé composé pour relater des évènements situés dans le passé.
Au fil des leçons, le thème de l’imparfait sera introduit en classe, et à ce propos les termes « assimilation » et « accommodation » affleurent : dans un premier temps, la différence entre l’imparfait et le passé composé est expliquée. Les règles générales qui expliquent l’usage et la morphologie de l’imparfait constituent donc les données à saisir. Ensuite, afin de faciliter l’assimilation de ce principe, un exercice écrit est proposé aux étudiants, qui appliquent la règle spécifique sur l’emploi du passé composé et de l’imparfait. L’intégration de ces nouvelles données est désormais mise en œuvre. Finalement, par le biais de ce qu’on appelle le processus d’assimilation/accommodation, le principe de l’imparfait est adapté à la connaissance antérieure qui se réduisait jusque là au passé composé pour construire des énoncés au passé. Un dialogue improvisé, présenté devant la classe une semaine plus tard, indique que les deux temps du passé sont parfois employés à tort et à travers et que certaines phrases contiennent des constructions amalgamées telles que « il faisait beau et grand-mère a fait la vaisselle, quand tout à coup un voleur est entré ». l L’interlangue des élèves s’est bel et bien développée grâce à l’apport des nouvelles données (à savoir : les règles de l’imparfait), or cette interlangue se trouve dans un état de déséquilibre transitoire qu’on peut considérer comme un palier de développement . Le terme constructivisme est alors employé pour nommer ce cheminement qui peut être travaillé sur deux niveaux, à savoir, le niveau de la saisie et le niveau du traitement.
Ce constructivisme est étroitement lié au concept de « fautes ». Selon Levelt une faute s’explique par la façon dont nous gérons les opérations morphologiques dans la production en temps limité et par le décalage entre le rythme d’élaboration interne du discours et le rythme de production de celui-ci. Par conséquent, un élève qui vient d’apprendre une nouvelle opération morphologique telle que l’imparfait, fera moins de fautes à mesure que cette opération devient plus automatisée, libérant ainsi plus de capacité cognitive.

Il est intéressant de constater que l’on cite un ensemble pédagogique qui intègre les principes et les pratiques découlant de cette dimension psycholinguistique. Néanmoins, la deuxième règle du jeu pour l’enseignant/apprenant « choisissez, en accord avec les apprenants, les activités qui correspondent le mieux à vos possibilités/désirs/besoins » semble un tant soit peu plus complexe en pratique. La situation à Bruxelles, et plus particulièrement à Schaarbeek, est la parfaite illustration d’étudiants chacun possédant son propre arrière-plan ethnique et donc sa propre L1. Il est donc certainement raisonnable de supposer que les besoins des élèves francophones, vis-à-vis de l’apprentissage du français dans une école néerlandophone, diffère beaucoup des élèves qui ont comme langue maternelle le turc, l’espagnol ou encore le néerlandais. La méthode contrastive devient dès lors plus difficile à appliquer : comment se référer à la L1 d’un group si hétérogène ?
Une faute telle que « have he enough books » qui est– selon Richards - une décalque de l’inversion typique pour le français : « a-t-il assez de livres », ne sera commise que par la partie de la classe qui a le français comme L1 ou L2 et devient par conséquent moins pertinente pour les élèves turcs qui commettront plutôt la faute « books has he enough », en référence à la syntaxe de leur L1. En outre, cette analyse risque de favoriser l’interférence en insistant sur les similitudes entre les deux langues ou leurs différences.
La soi-disant fossilisation /pidginisation est un terme particulièrement intéressant si on applique ce phénomène au niveau individuel. Il peut facilement s’inscrire dans le contexte bruxellois axé sur l’enseignement néerlandophone où la fossilisation du néerlandais est phénomène courant lorsque l’élève termine ses études. Un élève qui parle le turc comme L1 et le français comme L2, perd souvent l’utilité du néerlandais pour deux raisons :
A) La personne n’a pas besoin de cette langue pour communiquer avec son environnement.
B) La personne se référera automatiquement au français comme langue culturelle. (cinéma, émissions télévisées etc.)
L’ancien élève a perdu une grande partie de l’impulsion d’apprendre et ne dispose en outre plus de suffisamment de données potentiellement traitables. Force est donc de constater que deux facteurs externes, à savoir la motivation et l’attitude vis-à-vis de la L2 peuvent favoriser la fossilisation au sein d’une communauté.
Pour ce qui est de la pidginisation, celle-ci se ressent notamment dans le langage quotidien des jeunes ; la phrase typique “cousin aksam napion mec” qui signifie « cousin dis-moi, que fais-tu ce soir mec » est le résultat de l’environnement français qui déteint sur la génération turque à Bruxelles et démontre une forme rudimentaire de la pidginisation. On retrouve également des traces du néerlandais dans ce stade infantile de pidginisation : « Meneer, ik heb daarnet zitten trichen en mijn hart deed düm tek tek ». Il est clair que le verbe « trichen » est dérivé du verbe français « tricher » tandis que le groupe de mots « düm tek tek » est une onomatopée turque représentant le « battement du cœur ».
Etant donné le caractère hétérogène de l’enseignement institutionnel néerlandophone à Bruxelles, on pourrait conclure que la méthode contrastive semble moins appropriée pour la situation bruxelloise, où on retrouve déjà des traces indéniables de fossilisation et même de pidginisation. De plus, recourir à la langue française dans le but d’éclaircir certains points communs avec une autre langue risque de susciter l’effet contraire, vu que l’hétérogénéité du groupe implique des niveaux de français (en tant que L1 ou L2) différents. BESSE Henri, PORQUIER Rémy (1984), Grammaire et didactique des langues
GAONAC’H Daniel (1991, 2003), Théories d’apprentissage et acquisition d’une langue étrangère
PERDUE Clive & GAONAC’H Daniel (2000), Acquisition des langues secondes

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