maandag 7 februari 2011

Le rapport de « La Nausée » avec d’autres textes de Sartre : comparaison avec « Le Mur »


Le rapport de « La Nausée » avec d’autres textes de Sartre :

comparaison avec « Le Mur »


L’œuvre « la nausée » fut écrite par Jean-Paul Sartre en 1938, suivie par la parution de « le mur » en 1939. Ces deux ouvrages s’inscrivent sans l’ombre d’un doute dans son manifeste de l’existentialisme. Au cours de cette comparaison, les similarités et différences seront relevées sur 3 plans : les aspects formels, le thème de l’existentialisme et le symbolisme du mur.
Aspects formels
A l’instar de quantité d’autres écrivains existentialistes, Sartre raconte l’histoire de La Nausée et du Mur au travers des yeux du protagoniste. Tant Antoine Roquentin que Pablo sont le narrateur dans leur histoire respective. Une première différence réside dans les moments de narration : la forme du roman, à savoir le journal intime permet au narrateur de se distancier ou de se rapprocher davantage de certains faits. Dès lors, la narration de La Nausée est souvent intercalée (le narrateur raconte au moment de l’action ou de façon rétrospective). Par exemple : «LUNDI – Quatre heures sonnent. Voilà une heure que je suis là, bras ballants sur ma chaise- P.139 ». En l’occurrence, Roquentin raconte l’histoire au moment où l’action se déroule, tandis que quelques lignes plus loin on retrouve un point de vue rétrospectif : « Or, cet après-midi, en feuilletant une vieille collection du Satirique Bouvillois, feuille de chantage dont la propriétaire fut accusé, pendant la guerre, de haute trahison, j’ai entrevu la vérité.- pp.1191»
Le narrateur du mur est en revanche plus limité en ce qui concerne le déroulement des évènements. Le roman entier se raconte de manière rétrospective, mais conserve les dialogues comme s’ils se déroulaient au moment de la narration. Nonobstant cette légère différence, la méthode principale de raconter reste identique par rapport à La Nausée : un flux de conscience du narrateur qui ruisselle dans un délai de temps. Une deuxième différence formelle réside dans l’ambiguïté qu’on rencontre de temps à autre dans La Nausée : l’auteur semble parfois parler en son propre nom. Cette ambiguïté qui est certainement due à l’emploi de la forme du journal intime n’est cependant pas présente dans la narration du mur où le contexte historique, à savoir la guerre-civile d’Espagne, (1936-1939) circonscrit davantage la narration du protagoniste.
Les lieux d’action sont plus divers dans La Nausée que dans Le Mur. La ville imaginaire « Bouville » constitue le principal lieu d’action du récit de Roquentin qui se décline en plusieurs autres lieux parmi lesquels on retrouve le jardin public, un bistro, la bibliothèque, la chambre de Roquentin, etc. Le mur ne dispose que d’un seul lieu d’action : la cave d’un hôpital qui sert de prison pour les personnages. La limitation du lieu d’action, qui est étroitement liée au contexte historique comporte une restriction temporelle: l’histoire se déroule dans un délai d’un jour et d’une nuit, tandis que le récit de Roquentin s’étale sur plusieurs semaines. Comme mentionné ci-dessus ceci limite davantage la narration, surtout par rapport à son pendant La Nausée. Par ailleurs, les deux ouvrages ont respectivement trois personnages récurrents : Roquentin, L’autodidacte et Anny pour La Nausée, et Pablo, Tom et Juan pour ce qui est du Mur.
L’existentialisme
Selon la théorie de Sartre il existe un en-soi et un pour-soi. L’en soi représente tout ce qui est inanimé et relève donc de la réalité en dehors de la conscience. Le pour-soi par contre, désigne l’être conscient qui se distingue de l’en-soi par sa liberté absolue. La conséquence logique serait donc qu’un être humain se distingue de la chose par le fait que la chose « existe » sans rien, et n’est donc pas sujet à des concepts tels que la liberté. C’est notamment ce concept qui est exploité au fil des deux ouvrages présents. Cette liberté, ou plutôt la réalisation que l’on dispose de cette liberté va de pair avec le sentiment d’angoisse qu’éprouvent les deux protagonistes. Par contre, cette angoisse évolue et se manifeste d’une autre façon selon le personnage :
« Il y en avait plusieurs que je connaissais et d’autres qui devaient être étrangers. Les deux qui étaient devant moi étaient blonds avec des crânes ronds, ils se ressemblaient : des Français j’imagine. Le plus petit remontait tout le temps son pantalon : c’était nerveux – pp.1 ».
Ce premier paragraphe du Mur peut être comparé à la première entrée dans le journal intime de Roquentin où il parle d’un sentiment étrange qu’il ne peut pas tout à fait identifier : « le mieux serait d’écrire les évènements au jour le jour. Tenir un journal pour y voir clair...noter soigneusement et dans le plus grand détail tout ce qui se produit. pp.11» Les deux personnages affirment qu’il y a quelque chose hors du normal : l’indicateur dans Le Mur est le remuement constant du pantalon qui dénote la nervosité et éclaircit l’atmosphère de la situation. Dans la Nausée on a affaire à une allusion qu’il y a en effet ‘quelque chose’ qui trouble le narrateur, mais qui n’est pas défini. A mesure que les deux récits évoluent, ce sentiment d’angoisse se pointe de façon plus claire: « j’imaginais leur grêle brulante à travers mon corps. Tout ça c’était en dehors de la véritable question, mais j’étais tranquille : nous avions tout la nuit pour comprendre pp.173». A ce point, Pablo renie ces angoisses : l’existentialisme rejette l’existence d’un être suprême, donc pourquoi afficher de la peur? Cependant, le fait qu’il renie le sentiment de terreur n’empêche pas qu’il soit confronté à ces sentiments: «et puis, brusquement je me réveillai, le rond de lumière s’effaça et je me sentis écrasé sous un poids énorme. Ce n’était pas la pensée de la mort, ni la crainte : c’était anonyme. pp.183». La même chose vaut pour Roquentin qui reconnaît la nausée à plusieurs reprises : «enfin il est certain que j’ai eu peur, ou quelque sentiment de ce genre pp.101». « oui, c’est cela, c’est bien cela : une sorte de nausée dans les mains. pp.201». Finalement, le sentiment d’angoisse est reconnu et résolu. En ce qui concerne Pablo on peut conclure que son attitude posée est déjouée dès qu’il s’aperçoit qu’il transpire dans un climat glacial. Le regard du docteur belge qui accompagne les prisonniers confirme indirectement cette angoisse, car c’est le protagoniste qui suppose que le regard du docteur reflète de l’inquiétude.
Bien que l’angoisse est bel et bien présente, la rationalité l’emporte à plusieurs reprises: « je ne voulais pas de ça, je ne voulais pas mourir comme une bête , je voulais comprendre pp.261». «une seconde, une seule seconde j’eus envie de pleurer moi aussi pp.301 ». On constate dès lors qu’il y a une sorte de réalisation que contempler la réalité évoquera l’angoisse, suivie par une sorte de tentative à rationaliser la mort : «naturellement je ne pouvais pas clairement penser ma mort, mais je la voyais partout, sur les choses, dans la façon dont les choses avaient reculé et se tenaient à distance… pp .283». Pablo essaie en vain de s’imaginer clairement le concept de « ne pas exister », mais de la même façon que pour Roquentin, cette rumination suscite à un moment donné une expérience de désincarnation : « le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé. Mais la pensée, c’est moi qui la continue, qui la déroule1».
La rationalisation continue et Pablo se résigne à son sort, à savoir qu’il va mourir. On retrouve cette résignation transposée à une indifférence vis-à-vis le monde tant chez Roquentin : « A chaque instant je tiens de tout mon cœur : je sais qu’il est unique/irremplaçable, et pourtant je ne ferais pas un geste pour l’empêcher de s’anéantir1 » que chez Pablo même : « aucune vie n’avait de valeur…rien n’avait plus d’importance. pp343».
Ceci nous mène à un autre thème qui abonde dans les deux romans : l’absurdité de l’existence. Cette absurdité découle du cheminement mentionné ci-dessus. En examinant la scène de Roquentin dans le jardin public de plus près, force est de constater que l’absurdité fondamentale du monde se révèle devant lui lorsqu’il observe les souches d’un marronnier : Ce sont les « êtres » qui fournissent aux objets leur signification. Si Roquentin ne donne donc pas de signification à sa vie il risque d’être « de trop », sauf s’il prend des décisions.
Ceci lui donne une liberté, mais c’est exactement cette liberté qui lui donne la nausée: la confrontation avec les objets quotidiens lui rappelle la liaison qu’il entretient avec le monde et donc de sa responsabilité de fournir aux choses leur signification. La révélation de Roquentin consiste donc à réaliser que la vie est absurde car il ne peut pas s’échapper à sa responsabilité envers le monde. Cette absurdité est reprise dans Le Mur : Pablo ne ressent aucune liaison affective à l’égard de Ramon Gris.
Néanmoins, il refuse de trahir ce personnage vu qu’il s’est déjà résigné à la mort. De plus, le symbolisme du cimetière, auquel il envoie les soldats, pourrait être vu comme un lieu dépourvu d’existence. Il est donc un tant soit peu ironique que l’on y trouve un être vivant, à savoir Gris, qui à son tour représente la clef pour la survie de Pablo ». Inconsciemment, Pablo s’est sauvé lui-même, mais l’absurdité réside dans le fait que tout cela s’est passé à son insu. Sartre décrit cette ironie à travers le monologue intérieur de son personnage principal : « ces graves phalangistes avec leurs moustaches et ces hommes en uniforme qui couraient entre les tombes ; c’était d’un comique irrésistible pp.353».
La fin décèle donc l’ultime farce : l’homme qui croyait mourir survit, et l’homme qui devait survivre meurt. Le personnage principal est donc à nouveau confronté à son incapacité de comprendre l’existence.
L’absurdité s’avère d’autant plus réelle que Sartre scelle cette farce en ajoutant la réaction du personnage : « je riais si fort que les larmes me vinrent aux yeux ».
Lorsque l’on juxtapose les deux textes, on constate que les deux protagonistes sont incapables d’échapper à cette situation d’aberration. Il s’ensuit que le ton général dans La Nausée et dans Le Mur est truffé de cynisme : ce ton amer se ressent de temps à autre dans le langage de Roquentin qui recèle son mépris à l’égard d’autrui: « Un monsieur et une dame en deuil contemplaient respectueusement ces objets cuits ». Dès lors, Roquentin remplace le mot « céramique » par sa définition dans le but de ridiculiser et de railler le concept d’un « musée ».
Les pensées de Pablo démontrent également ce ton ironique lorsqu’il se met à relativiser et presque à se moquer de l’intersubjectivité entre lui et un autre séquestré : « j’avais vécu aux côtés de Tom, je l’avais écouté, je lui avais parlé, et je savais que nous n’avions rien de commun. Et maintenant nous nous ressemblions comme des frères jumeaux, simplement parce que nous allions crever ensemble ». En outre, l’adverbe « simplement » dénote une fois de plus l’indifférence à l’égard de la mort.
Le symbolisme du « mur »
L’image du mur fait surface dans chacun des ouvrages, et remplit une fonction comparable. Lorsque Roquentin mentionne les murs dans La Nausée, il renvoie presque automatiquement à la délimitation spatiale qu’implique un mur :
« La souffrance est consciente entre les longs murs qui s’en vont, et qui ne reviendront jamais. »
« Il reste des murs anonymes, une conscience anonyme. Voici ce qu’il y a : des murs et entre les murs, une petite transparence vivante et impersonnelle. »
« Lucide, immobile, déserte, la conscience est posée entre les murs ; elle se perpétue ». 1
Les murs deviennent dès lors une sorte de prison pour la conscience, et Roquentin est à nouveau incapable de regarder au –delà de l’existence, mais cette fois-ci, cette limitation se présente sous forme d’un mur mental qu’il ne peut pas ‘enjamber’.
A l’inverse, le mur auquel renvoie le titre du deuxième ouvrage se trouve concrètement dans la fiction : le mur de fusillade. Ce mur symbolise la mort, car il est pour tous ceux qui se trouvent devant, une destination finale, voire fatale. Etant donné que Pablo n’est pas capable de s’imaginer la continuation de son existence, il est , au même titre que Roquentin, incapable de s’imaginer la vie, qui se trouve au-delà du mur. Il est limité au front du mur, tout ce qui se trouve derrière est inconcevable.
Il est clair que Le Mur et la Nausée recèlent une kyrielle de caractéristiques semblables qui s’inscrivent dans la tradition de l’existentialisme, à laquelle adhérait Sartre. L’angoisse face à l’existence, le cynisme voire l’indifférence qui en découlent et le symbolisme du mur démontrent la présence de la théorie existentialiste. Bien que les deux ouvrages diffèrent bel et bien l’un de l’autre, la trame générale qui relève de la pensée de Descartes « je pense donc je suis » reste identique : Il s’agit de deux personnages sujets à une force existentielle qui les dépasse et à laquelle ils sont incapables de s’échapper. La différence se trouve dès lors surtout au niveau du résultat final qui naît sous différentes formes de contingences: Pablo survit, tandis que Roquentin déménage à Paris. De plus, la question qui demeure sans réponse et avec laquelle Sartre fait valser ses personnages est identique pour les deux cas : « pourquoi ? »



Bibliographie :
GOLDTHORPE R., Sartre: Literature and Theory, Cambridge University Press 1984
SARTRE, Jean-Paul, La Nausée, Éditions livre de poche Gallimard 1938
SARTRE, Jean-Paul Sartre, Le Mur, Éditions Gallimard, Collection Folio, 1939

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